Bleu, Marguerite et l'Abominable L.

Bleu est un spécimen sagace, hâbleur et un peu télépathe de grand corbeau, Corvus corax. Il se laisse apprivoiser par Marguerite, une institutrice à l'ancienne, et fait l'ouverture du roman pour brosser son portrait et celui de son amie. L'auteur doit reprendre la main pour défendre son point de vue et mener son récit. Bleu sera promu témoin, puis ange gardien, puis garde du corps de la généreuse Marguerite, laquelle en aura bien besoin. On passe en effet d'un thème bucolique gourmand au roman gothique quand d'anciens élèves ressurgissent, dotés d'un prénom amical (Paul), exotique (Edgberto) ou imprononçable (Liutprand), dans une hiérarchie descendante de la morale commune. Je laisse le scénario au secret. Chemin faisant, on apprend à voir les paysages de la Loire, à respecter la cuisine — vecteur de l'amitié —, à goûter les personnages secondaires, précisément décrits comme les types d'une collection d'insectes.

Pierre Chiron est un grand helléniste et j'ai cherché un lien entre ses deux carrières. Il y a bien Corax le rhéteur, mais c'est pousser le bouchon. L'auteur excelle à conduire des idées contradictoires, c'est l'art du conteur, avec en surplus les plaisirs de la forme, de la surprise et de l'humour.