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Critique de HundredDreams


« En ouvrant la porte de chez moi,
J'ai vu sept yeux de chats briller dans le noir.
Je n'ai que trois chats,
Un blanc, un noir et un tacheté.
Je n'ai pas osé allumer la lumière. »

Comment ne pas avoir envie de connaître la suite de cette histoire ?
Allez lire la critique particulièrement incitative de le_Bison, c'est elle qui m'a donné envie de découvrir cette lecture originale du sud-coréen Jae-hoon Choi, roman qui a reçu le prix littéraire décerné par le quotidien Hanguk Ilbo en 2012.

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Tout commence lorsque six membres d'un blog consacré aux tueurs en série du monde entier, se réunissent dans un chalet isolé dans la montagne. Ils ne se connaissent pas, mais ont tous accepté une invitation de l'administrateur du blog.

« Quelques membres parmi les plus actifs de mon blog sont invités ce week-end à faire connaissance dans mon chalet de montagne. Ce sera l'occasion d'échanger les curiosités que nous n'avons jamais osé poster sur Internet. J'ai également prévu quelques jeux divertissants. Je compte sur votre présence. N'apportez rien, il y aura à boire et à manger pour tout le monde. Je vous joins un plan pour trouver facilement la maison.
Le Diable »

L'atmosphère se tend inexorablement lorsque le blizzard se lève sans voir venir leur hôte. Et puis le roman bascule dans la violence et la mort, la tempête faisant rage autant à l'extérieur que dans la petite maison.

Ainsi commence « Sept yeux de chat », une histoire assez classique en apparence qui pourrait rappeler les dix petits nègres d'Agatha Christie.
Et puis l'auteur nous étonne avec une suite vraiment très différente, du fait du changement d'atmosphère et de style, entremêlant épouvante, thriller, suspense, policier, romance, dans un huis-clos intrigant et efficace.
Cette suite est assez déconcertante car elle prend la forme d'une série de courtes nouvelles sans lien vraiment apparent avec ce que l'on a vécu dans ce chalet. Mais cette impression ne dure pas : très rapidement, on comprend que ces histoires sont toutes reliées entre elles par leurs personnages et par le premier récit.
On comprend que dans l'ombre, un individu, un « magicien » tire les ficelles et entretient l'illusion.

« … la vérité n'était qu'une imitation et le mensonge une création. »

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L'écriture de l'auteur oscille également. Elle est belle, fluide, poétique mais évolue pour devenir sombre, angoissante, violente. Elle est prenante par le climat mystérieux et étrange qu'elle dégage.

C'est aussi un récit traversé par de multiples références artistiques et littéraires qui sont autant de clés pour comprendre en partie l'intrigue : « La jeune fille et la Mort » de Schubert, la salomé d'Oscar Wilde, le Baiser de Klimt, Munch, « Madame Bovary », « Les fleurs du mal » …

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C'est une lecture qui doit être prise comme un jeu d'enquête. L'auteur se joue du lecteur, l'amenant dans une direction puis dans une autre.
Le lecteur doit se prendre au jeu, être sur le qui-vive, voire prendre des notes pour réagir promptement aux indices parsemés (c'est ce que j'ai fait). La trame du récit peut donner l'apparence de partir dans tous les sens, mais l'auteur maîtrise parfaitement le canevas de l'histoire, jouant avec nous comme un chat avec une souris.

« Car il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ne rien de secret qui ne doive être connu. »

L'intrigue n'est pas linéaire, elle prend l'allure d'énigmes à tiroirs : chaque nouvelle est comme un tiroir qui contient des détails, des indices, des révélations servant à faire le lien avec ce qui a été lu précédemment.
Le récit se répète, parfois avec de légères différences. Il se réinvente continuellement, se transforme sans cesse, se dédouble, se métamorphose, surprenant complètement le lecteur.
Autant dire que l'on s'égare très vite dans ce labyrinthe narratif qui se construit et se déconstruit dans une alternance temporelle.

« Que nous veulent les lois du juste et de l'injuste ? Et l'amour se rira de l'Enfer et du Ciel ! »

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Malgré cette réserve quant à la trame narrative que le lecteur ne peut anticiper et nous laisse dans la confusion, le talent de Jae-hoon Choi est indéniable : il a construit un roman aussi complexe que cohérent.
Le récit est ambitieux et je ne m'attendais pas à ce qu'il se réinvente sans cesse sous mes yeux avec toutes ces pièces de puzzle qui s'agencent et se réagencent au fil du récit.

Vous aurez compris, c'est une lecture exigeante : je m'y suis parfois perdue, j'ai retrouvé avec soulagement mon chemin pour à nouveau me perdre dans cet entrelacement de fils narratifs.
Parfois, les plus belles lectures sont celles qui nous ont demandé le plus d'effort. Si vous souhaitez sortir de votre zone de confort, vivre une expérience littéraire insolite et déroutante, je vous invite à lire « Sept yeux de chats ».
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