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Critique de LicoriceWhip


« Est pervers ce qui nous blesse, sans nous permettre de détourner le regard. » Ainsi se confesse Juliàn Mercader, le narrateur des Violettes sont les fleurs du désir. Depuis l'enfance il grandit dans un univers très particulier, celui de la fabrication de poupées. Son père tient une usine qui réalise de véritables oeuvres d'art : toutes les poupées sont créées, habillées et présentées de façon quasi-unique dans des costumes et boites spéciales qui ravissent des acheteurs aux quatre coins du pays et même au-delà des frontières. Klaus Wagner l'associé du père de Juliàn – qui grandit au Mexique après la fin de la Seconde Guerre Mondiale – achèvera l'éducation du jeune garçon en lui faisant découvrir en cachette de ses parents la série des Poupées d'Hans Bellmer.

Fasciné et imprégné depuis l'enfance par le mythe de Tantale, Juliàn évolue dans une atmosphère érotisée, pleine de silences et de non-dits qui se renforce lors de son mariage avec Helena. Douce et attentive, elle détourne un temps sa frustration de ne pas réussir à donner la vie en aidant Juliàn et Klaus, qui continuent à faire tourner la fabrique de poupées à la mort du père de Juliàn. Ce qui n'a qu'un temps puisqu'elle donne enfin naissance à une fille, qu'elle prénomme Violeta. Plus Violeta grandit et plus Juliàn réalise qu'il est taraudé par le désir face à sa propre fille. Pour éviter de passer à l'acte il se concentre sur ses poupées et crée les « Violettes ». Corps tout juste pubères sculptés avec soin auxquels Juliàn invente des parfums spécifiques à l'aide d'une amie pharmacienne, les Violettes nourrissent les fantasmes d'une clientèle de plus en plus étendue, jusqu'au jour où Juliàn reçoit une poupée habillée en femme fatale, une « Hortense » adressée par un certain Felisberto Hernàndez. Juliàn entre alors dans un incontrôlable piège qui se referme lentement mais sûrement sur lui…

Avec Les Violettes sont les fleurs du désir, Ana Clavel, qui est romancière mais aussi plasticienne réinvente le mythe de la poupée-réceptacle des tabous et des fantasmes inavouables. On sera tenté d'y voir l'ombre de Lolita, alors que les références réelles et avouées d'Ana Clavel – Bellmer, Hernàndez – cherchent plus à fouiller dans ce qui fait dire à son narrateur dès la première ligne « le viol commence par le regard ». Novella aux nuances de noir et de mauve, Les Violettes sont les fleurs du désir est un texte sensoriel qu'Ana Clavel écrit en empruntant à la mythologie et la poésie. Choisissant d'éviter ce qui est explicitement sexuel, elle avance sur le velours quitte parfois à enlever de la crédibilité à son narrateur. En effet, il est difficile de se rappeler qu'il s'agit là d'un père dévoré de désir pour sa fille, comme si lui-même ne comprenait pas ce nouveau statut qui est le sien. En cela, la morale de ce qui l'empêche de passer à l'acte semble être plutôt une confusion entre chair et poupée que la peur de l'inceste…
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