AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Isidoreinthedark


Pearl a quatorze printemps, le teint diaphane, les cheveux blonds comme les blés, elle a cessé de grandir depuis ses onze ans et ressemble à un petit ange égaré qui aurait échoué dans un camp de caravanes floridien où elle partage une Mercury avec une mère aussi attachante que paumée.

Adolescente intrépide, Pearl va à l'école, respire l'air vicié de la décharge toute proche et vole des cigarettes aux autres membres du camp qu'elle fume en cachette avec sa meilleure amie Avril May au bord de la rivière infestée par des alligators.
Sa mère travaille comme femme de ménage dans un hôpital pour vétérans, elle a fui la haute société à dix-sept ans, emportant quelques souvenirs et son bébé et n'a plus quitté le camp de caravanes depuis, musicienne et rêveuse, elle construit dans sa voiture reconvertie en logement de fortune un monde de poésie et d'amour pour sa fille.
L'arrivée d'Eli, un texan au passé trouble et au sourire enjôleur va briser le quotidien de Pearl tandis que les armes à feu affluent toujours plus nombreuses, recueillies par le pasteur Rex qui vit et officie dans le camp, dans le cadre d'une opération douteuse de lutte contre la violence armée.

Dans sa première partie, le roman nous saisit par l'effet de contraste entre la misère dans laquelle évoluent Pearl et sa mère et le bonheur aussi lumineux que fragile qui emplit leur quotidien. Jennifer Clement marche sur un fil et réussit à créer un monde où la poésie l'emporte sur la misère, où les rêves sont plus forts que la réalité, où un ange de quatorze printemps évolue en apesanteur parmi les laissés pour compte d'une certaine Amérique.

Aussi soudaine qu'impitoyable la violence fait irruption, Pearl quitte en un instant les rivages enchantés de l'enfance et doit faire face au mélange de noirceur et de folie qui emplit le coeur des hommes. Dans cette seconde partie, Jennifer Clement ne laisse jamais sombrer son héroïne, l'horizon s'est obscurci mais la jeune adolescente ne renonce pas, la poésie du monde n'a pas disparu, Pearl continue de fumer des cigarettes à la chaîne en contemplant un magnolia couvert de fleurs blanches qui commencent à faner.

« Balles perdues » est un livre étrange et rare qui ne saurait être résumé à une dénonciation de la prolifération des armes à feu, c'est un livre qui nous parle des oubliés de l'Amérique, de la magie de l'enfance, de la force des rêves, de la beauté d'une musique oubliée, du goût acidulé des cigarettes qui apaisent les affolements du coeur, et surtout du courage intrépide d'un ange diaphane qui refuse de se perdre au coeur des ténèbres.
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}