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Critique de Patsales


Essai bien troussé, ce livre se lit comme un dictionnaire de médecine: impossible de le terminer sans dresser la liste des pathologies dont nous sentons atteints.
La couverture donne le ton: qu'il est bon de se terrer chez soi quand tout s'effondre à l'extérieur. Vincent Cocquebert commence par expliquer comment on en est arrivé là : si notre besoin de sécurité a toujours été insatiable, du moins a-t-on pu pendant longtemps s'en remettre à Dieu puis à la science (qui permet d'estimer les risques) et à l'état-providence. Fort de ces protections, l'individu n'hésitait pas à prendre des risques, scrutant l'océan à la recherche de la route des Indes ou, à défaut, suspendu au harnais de son parapente.
Oui mais Dieu, la science et l'Etat ayant failli et les paratonnerres habituels étant de moins en moins sûrs (Qui ose encore compter sur ses voisins?), nous voilà contraints d'assurer seuls notre sécurité. Il s'agit donc de se créer des « safe spaces » dénués de tout « trigger warning » (y'avait vraiment aucun moyen de traduire ou c'est juste pour faire croire que les Anglo-saxons sont les seuls à être concernés ?).
Alors là, évidemment, c'est le principe même de ce type d'ouvrage, toute notre civilisation est analysée à l'aune de cet unique principe: sacralisation de la famille ? Refuge. Non-mixité ? Refuge. Rond-point rendez-vous des gilets jaunes ? Refuge. Uberisation? Refuge. Wokisme? Refuge. Complotisme? Refuge.
Bref, c'est le poumon, le poumon vous dis-je.
Et les conséquences sont dignes des horribles maladies annoncées par les médecins de Molière. On ne s'envoie plus en l'air (car l'autre c'est le mal), on devient gros et dépressif ( car sortir c'est l'enfer), et on élit des chefs d'état immatures à qui on n'a jamais expliqué le principe de réalité (car ce sont de gros bébés qu'on ne veut pas traumatiser en les contredisant).
Alors oui, le livre brasse large et multiplie les anecdotes plutôt qu'il n'expose une analyse rigoureuse mais c'est la rançon du plaisir qu'on prend à le lire. Et la bibliographie est fournie, ne se contente pas (même s'il y en a, et beaucoup) d'articles de journaux : on trouve des essais pas totalement grand public, des films et des fictions qui donnent envie d'approfondir le sujet.
Enfin, Bret Easton Ellis est convoqué pour fournir la conclusion : se mettre dans la peau de quelqu'un d'autre, s'ouvrir à l'altérité est déjà une façon de sortir de son cocon.
J'allais donc refermer l'ouvrage en songeant que cet éloge de la lecture m'allait droit au coeur avant de comprendre en un éclair que j'étais mal barrée : refuser l'autarcie psychique n'est-ce pas une façon perverse mais efficace de me barricader dans ma safe room à moi?
Ah ben zut alors.
Le poumon, vous dis-je. le poumon
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