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Critique de Dominique_Lin


Seppuku, plus connu chez nous sous le terme de Hara-kiri, est ce rituel japonais très codifié qu'on ne peut pratiquer qu'avec une certaine dose de courage — ou de folie — et surtout une bonne connaissance de la culture japonaise en général et samouraï en particulier.
Le 1er janvier 1965 avant le petit jour, sur un tumulus surplombant la ville de Tokyo, Émile Monroig met fin à ses jours selon cette tradition après avoir envoyé 36 carnets autobiographiques à l'ambassadeur de France au Japon. Malgré l'horreur que l'on peut éventuellement éprouver pour un tel acte, c'est de loin la plus fine et délicate scène du roman, 10 pages d'une beauté éclatante, ce qui n'enlève rien aux 390 pages suivantes.
R. C. — étrange similitude avec les initiales de l'auteur —, le narrateur qui reçoit ces carnets et qui ne sera jamais cité réellement, va lire sans interruption l'histoire peu commune de cet homme qui commence à Berlin, début des années 1930. Monroig a 10 ans pendant la Deuxième Guerre mondiale. Fils d'un haut militaire nazi et d'une mère issue du sud-ouest de la France, l'enfant, qui a réussi à échapper aux jeunesses hitlériennes, balloté entre deux cultures, deux identités, voit son père évoluer dans le monde de la médecine sans comprendre de quelles expériences il parle quand il évoque un lieu nommé Auschwitz ; il fait « avancer » la science, pendant que sa mère joue du piano en l'attendant, dans une grande demeure épargnée par la guerre.
Sa première rencontre importante sera celle d'Émile, un enfant juif que le père ramène sous son toit, car son fils se sent seul et qu'il ne veut pas de chien. Émile vivra caché du monde et deviendra l'alter ego de Monroig. Ce sera ensuite un Japonais invité à loger dans la demeure et qui l'initiera à la méditation et lui fera vivre sa première expérience marquante alors qu'il occupait une chambre à côté de la sienne.
La guerre va s'inviter dans la maison sous les traits de bombardements intensifs et de l'armée soviétique.
Sa vie va basculer, ce sera l'exil, des rencontres fortes, l'amour, la guerre encore, comme si cet enfant devenu homme devait toutes les faire.
Les 36 carnets vont se suivre dans un rythme haletant, avec force de précision, de sensations, d'émotions. Richard Collasse n'épargne pas le lecteur, certaines scènes sont dures, poignantes, mais elles font partie de la vie de cet homme. On n'a pas envie de lâcher le livre, on est avec Monroig, on devient Monroig. On a froid avec lui, on nage avec lui, on marche avec lui, on rit et on pleure encore avec lui. L'écriture est, il me semble, imprégnée de la culture japonaise, par sa précision, sa finesse, sa force, ce qui ne l'empêche pas d'être alternativement tendre et dure à la fois. Les personnages sont criants de vérité, on traverse des paysages et des scènes qu'on croirait parcourus par l'auteur pour tant de précisions encore.

Richard Collasse a pris un risque en écrivant Seppuku, celui de quitter le Japon, même si le livre y commence. Après avoir lu 3 romans complètement imprégnés de la culture japonaise, c'est là que je l'attendais, surtout avec ce titre. Mais non, l'auteur nous emporte complètement ailleurs et c'est tout l'art de l'écrivain, embarquer ses lecteurs là où on ne l'attend pas, les surprendre et les satisfaire tout autant.
Seule faiblesse de ce roman, l'absence du Japon (malgré ce que j'ai écrit plus haut), puisque Monroig va y passer assez d'années pour en apprendre ses lois profondes. On aimerait en savoir un peu plus, comprendre le parcours… mais cela n'empêche pas d'apprécier non seulement la richesse de l'histoire, la hardiesse du rythme et la finesse des sentiments exprimés.
Seppuku fait partie de ces livres qui vous habitent une fois refermés… et ils sont rares.

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