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Critique de saigneurdeguerre


11 octobre 2009.

Un tribunal a nul autre pareil doit juger Marcel Grob.
La question posée est simple : Marcel Grob est-il un « malgré-nous » qui s'est retrouvé engagé dans la SS contre son gré ou est-il un engagé volontaire pour la SS ?

Le juge mène l'instruction… Il apparaît clairement que monsieur Grob n'est pas très coopératif et tente d'échapper aux questions posées par le magistrat. Quand il daigne s'y soumettre, il réfute l'engagement VOLONTAIRE dans la SS, que par ailleurs il prétend détester… Mais alors pourquoi avoir répondu à l'appel et s'être présenté à la caserne SS ? Parce que les parents de ceux qui refusaient de se présenter étaient arrêtés et envoyés en camp de concentration… Pourquoi ne pas avoir déserté ? Parce que les déserteurs étaient rattrapés et exécutés d'une balle dans la tête… Il affirme que sur son livret militaire il manque F.R.W., ce qui signifie Freiwilligen, ou, en français, engagé volontaire… Bref ! Monsieur Grob est-il aussi innocent qu'il le prétend ? A vous d'en juger…


Critique :

Le dessin de Sébastien Goethals n'est pas parfait… Il n'est pas toujours facile de distinguer les différents personnages. le choix des couleurs monochromes me semble excellent pour se replonger dans cette histoire du passé, mais la qualité de ces couleurs est inégale.
Quant au scénario… Il est exceptionnel ! Philippe Collin et Sébastien Goethals ont su donner vie à un personnage réel et reconstituer l'ambiance, les décors et les costumes de cette époque.

Les scénaristes soulèvent la question douloureuse de ces Alsaciens engagés dans la Wermacht et dans la Waffen SS. Dans le cas qui nous occupe, il n'est question que de la SS. Les études historiques démontrent que contrairement aux recrues purement allemandes, les Alsaciens enrôlés dans la SS n'étaient pas forcément des volontaires. Comme Himmler, chef tout puissant de la SS voulait contrôler sa propre armée, il avait un besoin considérable d'hommes, surtout que les pertes enregistrées en Russie étaient colossales. Alors que la SS des débuts se voulait racialement pure, on alla jusqu'à engager dans ses rangs des prisonniers soviétiques venus d'Asie. Les Alsaciens pouvaient donc mieux correspondre aux critères raciaux et il n'était pas nécessaire de leur demander leur avis. Les chefs étaient sans pitié et sans scrupules. Les assassinats de civils, qu'ils avaient déjà largement commis en URSS allaient se poursuivre en France, en Italie, en Belgique. le sort des Alsaciens était très critique puisqu'ils allaient forcément devenir les traîtres de quelqu'un ! Il faut dire qu'il y avait de quoi perdre son latin ou plutôt son alsacien : Français jusqu'à la Guerre de 1870 ; Allemands jusqu'en 1918-19 ; Français jusqu'en 1940, puis, à nouveau Allemands… Y eut-il parmi eux des assassins ? Certainement ! Mais la grosse majorité n'a fait qu'obéir car la moindre forme de désobéissance était on ne peut plus sévèrement réprimée, allant jusqu'à la déportation des proches.

Difficile dans un tel contexte de juger ces hommes, du moins la plupart d'entre eux. Pour certains dont les crimes étaient avérés, il n'y eut guère de sanction digne de ce nom au nom de la « réconciliation nationale ». Ils passèrent au travers des mailles du filet. Ils ne furent pas les seuls : plusieurs officiers SS allemands, responsables de multiples crimes, et n'ayant jamais regretté leurs choix, ne furent que très légèrement inquiétés après la guerre…

S'il y en a qui doutent encore que la bande dessinée est un art complet à part entière, qu'ils lisent « le Voyage de Marcel Grob » !
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