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Critique de PolarOides


La première moitié de « Quelque chose de pourri au royaume d'Angleterre » (Robin Cook) est consacrée aux années italiennes de Richard Watt. Cela peut sembler étrange de s'attarder ainsi sur Roccamarittima, ses habitants, la nouvelle vie de fermier du protagoniste. Cet enragé dont la tête a été mise à prix par le nouveau régime est désormais un paysan qui fait des journées de 16 heures et boit son litre de rouge sans ciller. On l'imagine grand et sec, à l'image des ceps de vigne qu'il cultive. Puis, doucement, avec les saisons, il va nous livrer par flash ses souvenirs d'opposant intellectuel et son regard sur l'Angleterre qui sombre dans un fascisme néo-prolétarien. Il compare avec la démocratie italienne. C'est comme s'il avait renforcé sa vigueur intellectuelle par une activité physique et gagné en humanité grâce au contact avec les habitants de ce village qu'il adore et qui l'adorent. Et pourtant, on en vient vite à sentir l'angoisse de l'exilé, sa fragilité. Avec le récit à la première personne, nous sommes en prise directe. Et si tout s'évaporait, si le passé le rattrapait ?
Il y a un énorme travail sur la psychologie de cet intellectuel engagé dans un double contexte d'exil et de répression. le trait d'union entre les deux est un chapitre formidable consacré à l'accueil de deux amis pour les vacances. On y voit tout le « gap » qui sépare Richard et sa femme Magda de ces deux êtres superficiels, sans force intérieure gagnés par les théories du Nouvel Elan.
Car c'est ce qui frappe quand Richard est confronté aux agents du régime. Lui, paysan, la quarantaine, les traits tannés par le soleil, n'est confronté qu'à des êtres médiocres, peu développés, bedonnant et adipeux dans leurs costumes bon marchés. Leur peau est malsaine, leurs cheveux gris sales, gras et clairsemés. Watt résiste, les humilie, leur parle sur un ton qu'ils n'ont jamais entendu, garde même sa capacité d'analyse pour comprendre ce qu'ils faisaient, avant, et pourquoi, ils en son arrivés là. Et pourtant, à chaque fois, il cède. Jusqu'à l'internement, où il vit la répression à l'état brut. Pas la violence physique, mais celle qui met face au néant, à l'absence de perspectives et d'espoir. le temps est aboli, il faut attendre, on est rongé par l'ennui et progressivement, on perd en épaisseur, sur les plans physique et intellectuel. Pas d'exercice, nourriture infecte, lectures mièvres, interdiction d'écrire, pas de procès, personne à qui s'opposer, attente de rien. Les analyses sont moins percutantes. Dépérissement.
Un vrai beau livre, avec un regard très sensible sur ce village italien et ses habitants puis sur l'Angleterre qu'il retrouve, Douvres, les trains, la campagne de son enfance autour de Londres.
Richard Watt n'a pas fait l'unique chose qui lui aurait sauvé la mise, prendre la nationalité italienne.
Les analogies avec Robin Cook sont évidentes. Ils sont issus d'une grande famille bourgeoise avec laquelle ils ont rompu, ils ont quitté l'Angleterre pour le continent et la ville pour la campagne. Une façon de rentrer dans l'intimité et l'univers de cet écrivain si attentif à ces personnages, auquel François Guerif a consacré de belles pages dans « du polar ».

Lien : http://polaroides.blog.lemon..
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