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Critique de Marie987654321


Ce récit du marquis du Custine n'est pas passé inaperçu à sa sortie et a influencé les relations franco-russes du XIXeme siècle. Il partait pourtant avec un tout autre objectif : conservateur convaincu que la monarchie représentative était une hérésie, il partait chercher des arguments en faveur de l'autorité dans la Russie impériale. Il est revenu avec un recueil de critiques virulentes à l'encontre du régime et de ses conséquences sur la vie russe.


"Il est vrai, j'ai mal vu, mais j'ai bien deviné" répond-il aux critiques de son temps!

C'est là le plus étrange et déroutant phénomène de ce livre : si l'on en croit Pierre Nora, qui signe la préface, Custine n'a pas effectivement très bien vu la Russie du temps : influencé qu'il était par ses amitiés avec l'opposition impériale, ne quittant guère Saint-Pétersbourg et Moscou et s'approchant peu du peuple russe .
D'ailleurs sans être spécialiste, et même si la version que j'ai lue est expurgée de certaines longueurs, j'ai été amusée ou agacée par certains travers du marquis, comme par exemple sa fascination au début de l'ouvrage par les quelques mots échangés avec l'empereur dans lesquels il croit déceler une connivence et une sincérité qu'on peut imaginer politique ou ses digressions, son goût pour les commérages et ses commentaires qui prennent la place d'un récit parlant.
Mais l'homme de salon est un homme honnête, capable d'indignation et sensible à la condition humaine. Ce qu'il voit ne peut trouver grâce...

" Un homme, pour peu qu'il s'élève d'une ligne au-dessus de la tourbe, acquiert aussitôt le droit, bien plus, il contracte l'obligation de maltraiter d'autres hommes auxquels il est chargé de transmettre les coups qu'il reçoit d'en-haut ; quitte à chercher dans les maux qu'il inflige, des dédommagements à ceux qu'il subit. Ainsi descend d'étage en étage l'esprit d'iniquité jusque dans les fondements de cette malheureuse société qui ne subsiste que par la violence, mais une violence telle qu'elle force l'esclave à se mentir à lui-même pour remercier le tyran ; et de tant d'actes arbitraires dont se compose chaque existence particulière, naît ce qu'on appelle ici l'ordre public, c'est-à-dire une tranquillité morne, une paix effrayante, car elle tient de celle du tombeau ; les Russes sont fiers de ce calme. Tant qu'un homme n'a pas pris son parti de marcher à quatre pattes, il faut bien qu'il s'enorgueillisse de quelque chose, ne fût-ce que pour conserver son droit au titre de créature intelligente..." (page 269)

" A la vue de tant de souffrances inévitables, de tant de cruautés nécessaires, de tant de larmes non essuyées, de tant d'iniquités volontaires et involontaires, car ici l'injuste est dans l'air; devant le spectacle de ces calamités répandues non sur une famille, non sur une ville, mais sur une race , sur un peuple habitant le tiers du globe, l'âme éperdue est contrainte de se détourner de la terre, et de s'écrier : " C'est bien vrai, mon Dieu ! votre royaume n'est pas de ce monde."
.. le spectacle de cette société, dont tous les ressorts sont tendus comme la batterie d'une arme qu'on va tirer, me fait peur au point de me donner le vertige... " (page 270)


Voilà où réside l'étonnement : la Russie dépeinte par Custine ressemble tant à l'Urss de la guerre froide ; période où le livre connut une seconde jeunesse. Pour Pierre Nora, cette similitude est liée à l'aspect caricatural de la description de Custine : il a fait une caricature de la société de 1839 mais une peinture de la société de 1950... Troublant non ?
A mon sens, le moment où le trouble "temporel" est le plus grand est celui de la visite de la forteresse de Schlusselbourg, où était mort Ivan VI : difficultés à être autorisé à approcher, comportement des accompagnateurs entre valet déférent et garde chiourme accompli, esquivant les questions et trouvant en tout prétexte à l'écarter. Il ne pourra voir la cellule d'Ivan VI... : il a mal vu mais il a bien deviné ...
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