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Critique de Brooklyn_by_the_sea


"It's a man's man's man's world" chantait James Brown. C'est aussi et surtout un mad world.
Quelque part dans les montagnes glaciales d'Afghanistan, en 2008, un contrebandier pachtoune, également chef de clan, perd sa fille lors d'une attaque de drone piloté par une mère de famille à l'autre bout du monde. Fou de douleur et ivre de vengeance, il multiplie les alliances avec ses ennemis talibans et trafiquants pour retrouver les "croisés" responsables de cette mort. Les "croisés" en question sont les membres d'une agence de sécurité opaque, chargée de missions très spéciales depuis une base américaine : opérations de guerre, trafic d'héroïne, blanchiment d'argent ; des mercenaires au cerveau rongé par la coke et bardés d'armes sophistiquées. Il y a aussi des journalistes trop futés, des flics véreux, des hauts fonctionnaires aux moeurs viles, et tous se guettent, s'espionnent, se piègent dans un paysage rude et austère, car "ce monde n'est pas fait pour les humanistes", comme le souligne l'un des personnages : "Derrière le baratin, on veut tous les mêmes trucs, pouvoir, pognon, putes."

Lecture très éprouvante, donc : 800 pages d'immersion totale dans cette guerre d'Afghanistan comme si on y était, et j'ai mis du temps à comprendre les différentes intrigues et à retenir le nom des nombreux personnages qui traversent le roman (certains déjà croisés précédemment), car DOA nous plonge directement dans le grand bain sanglant.
Mais finalement, tout cela importe peu, car ce qui compte, c'est ce que l'auteur raconte au-delà de son histoire : d'abord, l'immense marché qu'est devenue la guerre depuis 2001, les sources de profit qu'elle représente désormais et l'hypocrisie des discours patriotiques vendus par les agences de com'. Ensuite, l'importance du pavot dans l'économie afghane (toléré par les Américains, forcément), au regard de la puissance qu'il procure aux talibans, une fois transformé en narco-dollars. Enfin, cette réalité qu'il faut bien accepter : le choc des cultures entretenu entre l'Asie du Sud et l'Occident, et toutes les tragédies qui découlent de la non-observation de ce constat, qui fait de chacun le barbare de l'autre.
Pour autant, DOA ne fait ici aucun procès : il raconte sans juger, et sans complaisance non plus. J'ai plutôt perçu une forme de lassitude triste dans ses descriptions factuelles des pires exactions. Il nous octroie également quelques incursions dans la conscience de ses personnages principaux, et on se confronte alors à leurs doutes, leur fatalisme, leurs élans purs, leur esprit de fraternité, et finalement le vide de leur vie et le peu de valeur qu'ils lui accordent.

C'est donc un roman de guerre très viril (MAIS intelligent !), doublé d'une analyse politique et économique pertinente. C'est déprimant, hyper violent, et mieux vaut ne pas le lire en espérant fuir l'actualité désespérante, car il est tout aussi désespérant. C'est également très complexe, à l'image de la situation dans ce coin du monde, et on ne sait pas, on ne sait plus qui sont les bons et qui sont les méchants, et si même il y a des bons et des méchants, tant tout se mélange dans un chaos que l'on peine à comprendre. Mais c'est passionnant, et malgré mes difficultés à lire cet opus, j'ai hâte de retourner dans le bourbier afghan pour découvrir la suite. Pas parce que je suis maso, mais parce que c'est DOA.
A suivre.
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