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Critique de Sarindar


Laurent Dailliez fut bienvenu lorsqu'il publia ce travail dans les collections historiques de la librairie académique Perrin : il n'y avait que trop de sottises publiées sur la question, le sujet n'étant que trop abordé sous l'angle des études ésotériques, des faits mystérieux, des filiations Templiers/Rose-Croix ou Templiers- fraternités maçonniques ou des fantaisistes recherches d'un hypothétique trésor de l'Ordre mis à l'abri avant, pendant ou après l'événement que constitua l'arrestation des chevaliers, sur l'ordre de Philippe IV le Bel, exécuté fidèlement par les sénéchaux et baillis du roi, le 13 octobre 1307 au petit matin. On résume trop l'Histoire de l'Ordre à la fin tragique de ses derniers représentants, de sorte que le nom de Jacques de Molay, dernier grand maître de l'Ordre, est beaucoup plus connu que celui du fondateur, Hugues de Payens, qui porta l'Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ sur les fonts baptismaux en 1118, au moment où les défenseurs des États latins de Terre Sainte, tout nouvellement constitués, ne se trouvaient pas assez nombreux pour tenir l'ensemble face aux Sarrasins. C'est alors que, pour protéger les pèlerins en route vers les Lieux Saints, on imagina de créer cette phalange de moines-chevaliers, idée originale mais paradoxale, car il s'agissait d'orants qui allaient aussi bien prier que combattre. Les premiers chevaliers furent pour beaucoup des Champenois puis la base du recrutement s'élargit géographiquement et les donations affluèrent. Des prêtres entrèrent dans l'Ordre et de nombreux cadets de familles nobles, si bien que les Templiers eurent leurs officiants et leurs combattants. Une règle fut rédigée, qui organisait la vie communautaire et la hierarchie, et qui stipulait les obligations, les interdits et les sanctions en cas d'infractions. Une organisation territoriale fut nécessaire, on créa des commanderies regroupées dans des provinces. Toutes ces possessions, réparties en France puis répandues progressivement sur tout le continent européen, souvent constituées de biens fonciers agricoles, dégageaient des
bénéfices qui servaient à entretenir l'équipement des chevaliers et la construction ainsi que la rénovation des forteresses dont l'Ordre reçut la garde en Terre Sainte. Sur place, la situation militaire se détériora à partir du moment où les États musulmans et les Cités-États du Moyen-Orient se fédérèrent sous la houlette du sultan Saladin. Une mauvaise conjoncture et la présence à la tête de l'Ordre d'un mauvais chef, Gérard de Ridefort, soutien d'un détestable roi de Jérusalem, Guy de Lusignan, entraînèrent la défaite des Croisés à la bataille de Hattin en 1187. Un siècle plus tard, les États francs de Terre sainte s'étaient réduits comme peau de chagrin, et les difficiles relations des Grands maîtres de l'Ordre avec des Frédéric II de Hohenstaufen et des Louis IX de France n'avaient pas arrangé la situation. Guillaume de Beaujeu eut beau présenter un visage héroïque dans la défense de Saint-Jean d'Acre en 1291, la place défendue un moment par les Templiers, Hospitaliers et Teutoniques, qui avaient su face à l'urgence faire taire leurs rivalités, finit par tomber.
Les Templiers se replièrent en France où ils n'avaient plus d'autres utilité que de servir de banquiers auprès des souverains de l'Occident chrétien, organisant par exemple le système de la lettre de change qui permettaient de déposer des fonds en un point donné et de se faire rendre la somme correspondante en un autre lieu sur présentation du précieux document. Mais les Templiers, connus pour leur rigueur sur l'exactitude des comptes, ne se firent pas que des amis. Les rois de France, notamment, ne les aimaient guère : Saint Louis qui ne les portait pas dans son cœur, Philippe le Bel qui cherchait à mettre la main sur les biens des autres prenait prétexte de tout pour se les accaparer. Il connut l'humiliation de devoir se réfugier dans l'enclos du Temple un jour où les Parisiens grondaient et une plus grande encore en plaçant sous le contrôle du Trésorier du Temple l'état de ses finances. Il se saisit de la question qui se posait quant à l'utilité de maintenir en vie des ordres de moines-soldats qui étaient nécessaires tant que les Croisés avaient pied en Palestine, au Liban et en Syrie mais beaucoup moins maintenant que cette zone n'était plus accessible. Philippe le Bel proposa la fusion de l'Ordre des Templiers et de celui des Hospitaliers, au grand déplaisir des deux. On connaît la suite : l'arrestation des Templiers sur tout le territoire du royaume, la difficulté pour les membres de l'Ordre à s'abriter derrière un pape, Clément V, Bertrand de Got, mis plus ou moins sous tutelle du roi de France, les aveux arrachés par force, les rétractations qui entraînent des sentences de condamnation, la décision pontificale de dissolution de l'Ordre, la survie de certains, le passage de quelques-uns dans les rangs d'autres ordres ou congrégations (en Espagne, au Portugal, en Angleterre, en Écosse et en d'autres lieux), survivances dans de nouveaux groupes de pensée souvent contestataires par rapport à l'Eglise catholique : Rose-Croix et loges maçonniques. On imagine les survivants s'affilier à des sociétés plus ou moins secrètes et les imaginations se mettent à travailler. De même pour la conservation par des "rescapés" d'un trésor constitué au long des décennies et des siècles. Une légende ! Plus forte que l'Histoire réelle ? Heureusement, les travaux de Laurent Dailliez et ceux d'Alain Demurger ont prouvé le contraire et renouvelé profondément le sujet.
Laurent Dailliez eut le mérite de compléter son travail ordonné en deux grandes parties : l'histoire événementielle et l'histoire de la structure par des mini-biographies listées de la longue suite des Grands Maîtres. Une excellente bibliographie pour l'époque par rapport à la publication de l'ouvrage. Un travail complété depuis par Alain Demurger.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010).


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