AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Musa_aka_Cthulie


Vraiment bien fichu, ce bouquin sur l'art brut ! A l'heure où nombre d'artistes se disent "singulier" ou "hors normes", où les biennales, expositions et autres manifestations fleurissent et où les ateliers d'art-thérapie, à l'hôpital ou à l'extérieur, se multiplient, difficile de s'y retrouver dans cet hydre qu'est devenu l'art brut cher à Dubuffet.

Connaissant son sujet, Laurent Danchin remet les pendules à l'heure et de l'ordre dans nos idées, en choisissant d'aborder son sujet dans une perspective chronologique, qui a l'avantage de faire comprendre clairement au lecteur d'où vient l'art brut et ce qu'est l'art brut "historique" de Dubuffet. On suit donc le parcours de cette entité assez particulière que constitue l'art brut, venu des hôpitaux psychiatriques et des premières collections d'art asilaire - d'où son surnom d'art des fous. Puis, après la genèse, vient le fondateur : Jean Dubuffet. Comment il s'est intéressé à l'art brut, comment il a constitué une collection, quelle fut la définition qu'il donna de l'art brut (quitte à revenir sur cette définition), et quels furent les réussites et les déboires de Dubuffet, voilà de quoi traite le second chapitre du livre, à la fois objectif, pédagogique, concis et sans concessions (car Dubuffet ne fut pas toujours un homme facile). Art asilaire, art médiumnique, art des enfants, bref, art des non-initiés à l'art académique : nous savons en quoi résidait alors l'art brut. Et voilà de quoi - enfin - commencer à voir plus clair dans sa nébuleuse.

Toujours de manière aussi pédagogique, Laurent Danchin poursuit son ouvrage, à la fois en déroulant la chronologie de ce qui allait devenir les arts singuliers et qui avait échappé au contrôle de Jean Dubuffet, mais aussi en établissant les spécificités des nouvelles initiatives et des nouvelles collections qui commençaient à se constituer à droite ou à gauche. L'on comprend alors que l'art singulier dépasse largement le cadre, finalement assez normé, dans lequel avait été enfermé l'art brut : chaque passionné, chaque collectionneur a façonné à sa façon les limites de l'art singulier, et, surtout, les a élargies. Puis vint de le temps de l'internationalisation, et Danchin nous montre qu'avec les frontières géographiques, l'art brut prit son essor vers d'autres destinations : l'art outsider était né.

Non seulement l'auteur a le mérite de poser le sujet de façon claire et concise, de rendre les méandres de l'histoire et de l'évolution de l'art brut compréhensibles, mais il pose aussi le problème de l'identité de l'art brut aujourd'hui, qui n'échappe pas aux lois du marché de l'art. Et c'est bien tout le paradoxe de l'art brut, qui est à la fois valeur marchande, sujet d'étude et, même, médiatique. Tous les Découvertes Gallimard ne sont pas aussi bien conçus, celui-là met de l'ordre dans un sujet où l'on se perd très facilement, et ce n'est pas la moindre de ses qualités. C'est donc par cet ouvrage que je vous conseille de commencer si vous voulez aborder pour la première fois le sujet de l'art brut, ou effectuer une bonne révision.

Pour ma part, j'aurais aimé approfondir le sujet avec La folie de l'art brut de Roxana Azimi et publié par les éditions Séguier. Or, bien que je fusse sélectionnée pour recevoir ce livre dans le cadre de Masse Critique, Les éditions Séguier n'ont jamais jugé bon de me l'envoyer. Mais c'est une autre histoire.
Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}