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Critique de polacrit


"La fille du traître"," Djaevellen i Hullet" en version originale parue en 2016, a été publié par les éditions Gaïa début 2019. le style est fluide, plus travaillé que lors de ses premiers écrits dont l'écriture portait plus son empreinte de journaliste. le ton est désabusé: "Quand elle regardait dans leurs yeux marron pleins de vie un matin comme celui-ci, elle pouvait se mettre à pleurer en pensant à ce qu'ils pourraient devenir si personne ne les prenait par la main." (Page 60).

A part le prologue, le rythme très lent se déroule au fil d'un récit fourmillant de détails, où l'on reconnaît la patte de journaliste de l'auteur: "C'était une neige gelée et dure qui mordait les joues. Il enfonça son bonnet de ski blanc sur son front et s'agenouilla, prêt à faire feu, derrière un des cygnes en pierre noirs qui bordaient les étangs devant le palais. Il avait la vue dégagée sur la route qui menait à l'entré principale de la résidence." (Page 31)...."Dietmar tenait sa tasse en l'aire, face à lui, comme si elle avait une valeur particulière, alors que Laila l'avait achetée avec cinq autres au supermarché du coin. Il but une autre gorgée et reposa sa tasse à moitié vide devant lui sur la table, avec un léger bruit clair. Par la fenêtre ouverte, on pouvait entendre les mouettes et le grondement saccadé d'une yole à moteur." (Page 74).

Ainsi, l'intrigue se met en place très lentement par une succession de tableaux, un peu comme lorsqu'on rassemble les pièces d'un puzzle par couleurs ou par motifs, au rythme de longs chapitres dans lesquels il ne se passe pas grand chose. Cela dit, la façon dont  Leif Davidsen raconte cette histoire d'espionnage est captivante.

2014. le président ukrainien s'apprête à quitter le pays, sans un regard pour son peuple déchiré par un conflit qui le dépasse.
Laila, jeune danoise propriétaire d'un modeste camping dans une station balnéaire du nord de l'île de Fionie, traumatisée par l'abandon de son père vingt ans plus tôt, reçoit la visite de Torsten et de Dietmar, deux hommes qui ont bien connu son père du temps où ils travaillaient pour les services secrets danois et allemand. Que lui veulent-ils?
Confrontés aux bouleversements qui redessinent la carte de l'Europe, les deux ex-agents reprennent du service pour une mission bien particulière: retrouver le père de Laila, ancien agent danois qui a trahi son pays en passant à l'est. La jeune femme, d'abord réticente, finit par accepter. Commence alors une formation qui la conduira en territoire ennemi, à Ples, petite ville russe où son père a pris sa retraite. Laila devra agir seule.
Connaît-elle le véritable objectif de sa mission? Les deux anciens espions lui ont-ils tout dit ou la manipulent-ils dans un but non avouable?  Laila, avide de vengeance, n'en a cure et saisi l'occasion de faire enfin payer à son père les années de rancoeur qu'elle a vécues après sa trahison.
Pendant ce temps, à Ples, le commandant Cherskov demande à John de reprendre du service afin d'identifier les fomenteurs d'un coup d'état en vue de renverser l'actuel président dont la politique compromet leurs activités commerciales. Trahira-t-il son pays et sa famille une seconde fois?

Contexte:
Leif Davidsen est un fin connaisseur de la Russie pendant et après la Guerre Froide. Mettant à profit son immense expérience du monde et de la civilisation slaves,  ses nombreuses allusions à l'histoire contemporaine et au contexte politique de l'URSS puis de la Russie moderne, donnent tout son souffle à La Fille du Traître:"Avec les sanctions économiques contre la Russie et le boycott suicidaire du pays à l'encontre des produits alimentaires occidentaux, peu de touristes avaient envie de se rendre à Moscou en ce début décembre. Et les hommes d'affaires n'avaient plus vraiment de raisons d'y aller non plus."(Page 156).
Un  pays en déroute: "Elle avait du mal à se figurer qu'elle se trouvait dans un pays en proie à une profonde crise économique et dirigé par un président autoritaire qui, par sa politique, avait entraîné son peuple dans une confrontation grave et très risquée avec le monde auquel elle appartenait...Ici, au Bolchoï, on aurait dit que personne n'avait conscience de la catastrophe qui les guettait." (Page 340).
La Russie moderne, finalement guère différente de l'URSS communiste: "Les discussions étaient certes vives, mais teintées de cette prudence qui lui rappelait l'époque soviétique. Il y avait de nouveau des codes à connaître. Certaines formulations étaient nécessaires, d'autres désapprouvées, voire interdites. Encore une fois, il se mit à regretter les folles années 1990 de cet ivrogne d'Eltsine, qui avait instauré un débat ouvert, libre et fantastique. La Russie était alors ...un phénix libéré qui allait renaître des cendres du totalitarisme et déployer ses ailes...Mais ce n'était plus le cas. L'oiseau s'était révélé être un dragon, et des oeufs qu'il avait pondus avaient surgi le glaive et la croix qui, une fois de plus, menaçaient de plonger la Russie dans les ténèbres." (Page 137)
Lien : https://legereimaginarepereg..
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