Je n'aurais sûrement jamais lu ce livre si je ne m'étais pas trouvée à ranger les rayons de la bibliothèque. Cela m'a permis de voir sur la couverture une petite étiquette : « coup de coeur Richer ». Intriguée par le fait qu'une librairie lui donne une mention spéciale, j'ai lu la première page... Et j'ai été immédiatement emportée !
L'auteur n'a pas attendu de planter le décor avant de mettre l'action en place, c'est l'action qui plante le décor, et non l'inverse. Tout commence avec l'accident du narrateur (j'arrive à la fin, et je viens de réaliser qu'on ne connaît pas son nom !), et rien ne nous est épargné. Après avoir pris de la drogue, il commet la grossière erreur de prendre la route en pleine nuit.
Bien sûr, il rate le virage de manière magistrale... S'en suivent des scènes pleines de mordant : l'auteur marie superbement l'humour et le gore. « Une fois que l'on a tourné ce volant à fond et découvert que cela ne servait à rien, il vous vient encore cette pensée pure et limpide : Oh merde. Pendant un glorieux instant, on atteint à la béatitude dépouillée que les philosophes orientaux passent leur vie à chercher. Cependant, en suivant cette transcendance, l'esprit devient un super ordinateur capable de calculer la rotation de la voiture, de la multiplier par la vitesse de la chute par rapport à l'angle de la pente en prenant en compte les lois de Newton sur le mouvement des corps pour, en une fraction de seconde, arriver à la conclusion affolante que ça va faire sacrément mal... » ; « J'ai eu la sensation que mes cheveux s'enflammaient, puis j'en ai senti l'odeur. Ma chair s'est mise à grésiller comme si j'étais un bout de viande tout juste jeté sur le barbecue, et j'ai entendu la peau cloquer sous le baiser des flammes. » ; « À la suite de mon accident, j'ai gonflé comme une saucisse tout juste grillée, et ma peau se fendait pour laisser passer la chair en expansion »
À la fin du deuxième chapitre, je me suis quand même demandée si les 450 autres pages du livre étaient du même acabit (c'est à ce moment que je lis le résumé et que je réalise, soulagée, que l'intrigue de l'histoire ne sont pas les affres et souffrances d'un grand brûlé dans un service d'hôpital) et NON ! Âmes sensibles, sachez que le troisième chapitre verra apparaître l'ange salvateur qui nous tire de ces visions d'horreur (et en même temps si divertissantes...), j'ai nommé Marianne Engel.
Ledit ange est quand même bien étrange, s'adressant au narrateur comme si elle le connaissait depuis toujours. Il apparaît qu'elle est persuadée d'être née au 14e siècle et d'avoir été élevée dans un couvent. le narrateur hésite. Est-elle schizophrène ou maniaco-dépressive ? Nous aussi on hésite. Supernatural or not supernatural ?
On assiste au développement de la relation de ces deux personnages en même temps que le sauvetage des capacités physiques du protagoniste (j'ai failli dire sauvetage de son corps, mais comme son apparence est complètement bousillée, qu'il lui manque huit orteils sur dix, la moitié des doigts de la main gauche alors qu'il est gaucher, une bonne partie de son audition ainsi que son pénis... Pour un ancien acteur porno, reconnaissez que c'est un peu dommage !). Les lubies de Marianne se confrontent délicieusement à l'humour noir du narrateur.
J'ai lu presque la moitié du roman (qui fait 499 pages exactement) en une après-midi. Les personnages sont profonds et travaillés (le protagoniste est en lutte contre un serpent femelle qui a élu domicile dans sa colonne vertébrale est qui est généré par sa dépendance à la morphine et la Marianne est complètement obsédée par les gargouilles et est persuadée qu'elles lui parlent quand elle les sculpte), l'auteur a fait un véritable travail de recherche sur le sujet des grands brûlés (par rapport aux opérations, aux effets secondaires sur le corps, aux traitements...). Mais passé ce cap, le rythme de l'histoire s'essouffle, des répétitions dans la trame commencent à apparaître. le narrateur, humanisé par la douce Marianne, perd de son mordant. Si le livre avait été moins long, je lui aurais sûrement accordé cinq étoiles (et il y a aussi la façon dont finit Marianne, qui ne m'a pas plu du tout. J'avais envie de lui hurler des insanités).
J'ai beaucoup aimé la progression du narrateur, qui passe doucement de la position de connard avéré à celle d'amoureux fou de manière presque naturelle. C'est une histoire magnifiquement racontée, sur le fait de surmonter les épreuves, de se vaincre soi-même et d'aimer au-delà des apparences, de manière totale et absolue.
Le livre commence avec des images violentes à l'extrême, empreintes d'humour noir et de folie, et s'achève comme une vraie déclaration d'amour, un sentiment au positif à toute épreuve (mais sans être niais. En même temps je ne vois pas comment cela pourrait être possible, vu les premières pages...). Un très beau livre, vraiment. Que tous les fans de gore et de romantisme se l'arrachent (on peut aimer les deux. Si, si) !
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