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Critique de Luniver


Esclavage. Dans nos sociétés, le terme évoque immédiatement la traite transatlantique, qui a envoyé tant d'individus d'Afrique noire vers les Amériques.

Il a pourtant existé une traite d'esclaves blancs, capturés par des pirates barbaresques (provenant du Maghreb) sur les mers et dans les terres italiennes, espagnoles, françaises, parfois même jusqu'en Irlande ou en Islande, pour être amené sur les marchés aux esclaves. Avec un pouvoir central faible, les pachas locaux laissaient faire, pourvu qu'on n'oublie pas de leur verser une part des bénéfices.

L'intérêt de ces captures était double : pour les esclaves issus des classes sociales les plus pauvres, s'approprier de la main-d'oeuvre peu coûteuse pour les galères ou les travaux lourds ; mais également par les possibilités de rachat qu'offraient les artisans, les religieux ou les nobles. La porte était toujours ouverte aux familles pour faire sortir de sa condition un être cher (au sens figuré comme au sens propre). Certains pirates revenaient d'ailleurs dans les villages pillés dès le lendemain pour proposer un rachat au rabais aux habitants restants (un « tiens » vaut mieux que deux « tu l'auras. »).

Évidemment, l'aspect religieux avait aussi son rôle. D'une part, après la Reconquista, capturer des esclaves chrétiens avait des allures de vengeance pour les pirates du monde islamique ; d'autre part, la famille restée au pays avait très peur de voir le captif embrasser l'islam, peur sur laquelle jouaient d'ailleurs les maîtres pour faire montrer les enchères. Cette crainte était d'autant plus réaliste qu'adopter la foi musulmane pouvait adoucir les conditions de vie de l'esclave, voire lui offrir une position sociale convenable dans sa nouvelle nation. de véritables campagnes caritatives à grande échelle se mettaient alors en place pour arracher les esclaves aux périls moraux qui menaçaient leurs âmes et montrer que la Chrétienté n'abandonnait pas ses enfants.

­Plusieurs actions militaires de la part des pays européens, puis la colonisation, auront mis fin d'abord à cette pratique, ensuite à son souvenir même. Un certain sentiment de supériorité viendra gommer le fait que pendant quelques siècles, c'étaient les habitants des côtes européennes qui ont tremblé. L'auteur affirme même que l'époque a marqué durablement les imaginaires de certains pays, rendant la mer dangereuse dans l'esprit de ses habitants.

Le livre était très instructif, et ses sources semblent faire consensus. Un point désagréable est que l'auteur insiste lourdement sur le fait que les études précédentes sous-évaluaient systématiquement l'ampleur du phénomène, et que parmi les descriptions des sévices que pouvaient subir les esclaves, il fallait toujours retenir le pire. Plutôt que de me convaincre, ça m'a plutôt amené à avoir des doutes sur ses intentions réelles. L'emploi de termes comme « barbaresque » ou « renégats », qui sont connotés très négativement, aussi, même si ça a l'air d'être les termes « scientifiques » corrects. L'auteur a l'air reconnu dans son domaine, même si ses estimations semblent une borne supérieure. Il avance le chiffre de 1.25 millions d'esclaves capturés en Barbarie (pour comparaison, la traite transatlantique en aurait compté 12 millions), ce qui semble considérable et rend étonnante son absence dans notre imaginaire collectif.
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