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Critique de Osmanthe


C'est l'histoire de la longue descente aux enfers d'un homme au caractère inconsistant et dépressif qui va rater sa vie.
Yôzô est pourtant fils de bonne famille, mais il cache une nature mélancolique, peureuse et apathique et décide de jouer au bouffon, de faire rire par ces facéties...Mais un jour, un élève de sa classe le démasque ("c'est de la frime !"), et c'est le début du naufrage. Yôzô, oisif et indécis dans ses choix échouera dans ses études, et ne parvient pas à trouver un emploi stable. Il ment à sa famille, demande régulièrement de l'argent à son père, qui finira par lui refuser en apprenant la vie dissolue de son fils...Entraîné par des fréquentations douteuses, notamment d'un "ami" qui profite de sa faiblesse pour l'initier aux femmes et à l'alcool, son manque d'argent lui fait rechercher sans scrupules des femmes qui vont s'émouvoir et l'entretenir.
Mais le vague à l'âme est permanent, tenace, et un jour il tente de se suicider avec son premier amour...il en réchappe, mais elle se noie. Une seconde l'accueillera chez elle, mais malgré ses bons soins il finira par se sauver littéralement ! La troisième, épousée, ne sera pas davantage synonyme d'apaisement : après quelques années, elle le trompera, et pire encore, son fameux "ami" le mènera sur la scène du forfait pour surprendre les ébats...
Yôzô, écoeuré de tout le monde et de lui-même, toujours aussi faible, tente à nouveau de se suicider en absorbant une forte dose de médicaments. En réchappant encore, il va sombrer dans des addictions au saké, puis à la morphine...son état de santé physique et mental se détériore, conduisant son frère, qui lui apprend la mort de son père, et sa femme, à le placer un temps en hôpital psychiatrique. Son frère lui achètera finalement une bicoque branlante à la campagne, où il vivra ni heureux ni malheureux, juste les jours passant, devenu un vieillard à 27 ans...mais cependant encore capable d'une pirouette, d'une facétie...

L'ambiance de ce roman est très sombre. Cependant, curieusement, l'émotion n'est ressentie qu'en de rares moments. le récit est assez court, condensant l'action, parfois peut-être trop peu détaillée, pour privilégier les réflexions du "héros" sur sa vision amère et désespérée de lui-même et de la vie, même s'il conserve souvent une pointe de dérision. Cela provoque une forme de distanciation, de détachement chez le lecteur, peut-être voulus car c'est bien finalement l'état de Yôzô à la fin, devenu un peu spectateur de sa vie passée.

Cette histoire fait très fortement écho à la propre vie, tragique, de l'écrivain, qui pour autant se garde bien de revendiquer cet évident caractère autobiographique : en une préface et un épilogue, il crée un narrateur qui aurait récupéré les carnets de notes de Yôzô chez la femme qui fut son second amour, les deux se demandant d'ailleurs si Yôzô est toujours en vie dix ans après son installation dans sa dernière demeure.
Il faut rappeler qu'Osamu Dazaï, après une vie aussi dissolue que son héros se suicidera par noyade à 39 ans, après plusieurs tentatives commencées à 20 ans !

Dernier élément à souligner, le romancier nous donne à voir des aspects intéressants de la société japonaise, dans les années 1930, avec le sens de l'honneur (ici perdu), l'obligation de cacher ses émotions, de dissimuler, la place de la femme dans la société, bien basse, elle qui doit être docile et entièrement dévouée à son mari...

Au final, une belle découverte que cet écrivain maudit, très renommé au Japon et trop peu connu dans notre pays.
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