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Critique de Dombrow01


La mémoire du fleuve raconte la vie de Jean Michonet au Gabon. Ce n'est pas un aventurier qui recherche le frisson en se lançant dans des expéditions risquées dans la jungle. Il est amoureux de la jungle, y passe sa vie, et dans ces cas-là pas besoin de chercher l'aventure, elle arrive toute seule.
Né d'un père forestier au Gabon, il exercera cette profession lui aussi pendant l'essentiel de sa vie, mais assurera également la navigation sur le fleuve Egooué et sera chasseur de crocodiles jusqu'à ce que cette activité soit déclarée illégale.

A la lecture de ce livre, on apprend énormément sur la nature, les animaux, la jungle, et la survie. On apprend beaucoup aussi sur les peuples qui habitent la forêt, leur mode de vie, leurs croyances, les relations entre les hommes et les femmes. Exemple sur ce sujet particulier :
"Chez les Myéné, par exemple : un jeune homme n'avait pas le droit de se mettre à table avec des personnes mariées. de quel droit se serait-il fait servir par les femmes ? Il ne savait pas la valeur d'une femme, ce qu'il faut faire pour la soigner,pour la garder. Il devait attendre et apprendre."
On apprend également que lors d'une visite en brousse, le chef du village offrait une de ses femmes, voire deux, à son invité.

La vie est dure dans la jungle au début du 20ème siècle. Jean Michonet a 14 ans à la mort de son père et a peur de l'orphelinat. Il part plusieurs semaines en expédition dans la jungle afin de recruter des ouvriers pour un forestier voisin. Avec seulement quelques personnes, il doit assurer le commandement de l'expédition et convaincre les habitants de villages reculés de le suivre sur un chantier forestier.
On risque sa vie à tout moment dans la jungle. Lorsqu'on passe trop près d'un hippopotame en pirogue, lorsqu'un python se laisse tomber d'un arbre sur le cou de sa victime, lorsqu'on se perd en forêt sur des marigots qui se ressemblent tous par exemple. Ou bien lorsqu'on rencontre des hommes-tigres, qui mangent les organes génitaux de leurs victimes, pensant ainsi accroître leur énergie vitale. L'anthropophagie est encore courante à cette époque, et c'est la religion qui aidera à mettre fin à cette pratique. Michonet raconte que les habitants d'un village étaient heureux d'avoir capturé les deux employés annamites d'un blanc, il les imagine se réjouir car ils n'ont encore jamais mangé d'asiatique.
En parlant de cruauté, Michonet s'aperçoit que les autres chasseurs de crocodile gagnent de l'argent en revendant "les colliers trouvés dans l'estomac de la bête". Comment est-ce possible ? D'une part tous les gros crocos ont certainement croqué un villageois, mais surtout, lorsqu'un croco s'attaque souvent à un village, les habitants lui offrent en sacrifice une des filles du chef, parée de ses plus beaux atours.

A noter quelques exagérations dans le livre, un anaconda de 20 mètres de long, un croco de 12 mètres, et un bébé éléphant de 200 kgs, tout ceci n'est pas crédible. Mais peu importent les chiffres, le danger de ces animaux est bien réel.

Tout au long de sa vie Jean Michonet est confronté à la sorcellerie. Il raconte quelques anecdotes impossibles à croire pour un européen, comme un chef de village qui casse une branche d'un arbre à 50 mètres, rien qu'en la montrant avec le doigt. Ou bien un homme qui se rend seul à son enterrement, puisque le cadavre, sollicité par le sorcier, se lève et glisse inexplicablement jusqu'à la tombe creusée pour lui. Lui a-t-on donné des substances psychotropes auparavant ?

Jean Michonet est mulâtre, il a été élevé par un père français dans un environnement gabonais et respecte les deux cultures. Il dit de son père "À ma naissance, mon père n'avait vu aucune objection à ce que je sois le filleul d'un Noir. Il respectait la civilisation africaine. Il ne cherchait ni à l'adopter ni à pénétrer ce qu'il ne connaissait pas."
Lui-même ne porte pas de jugement, il explique par exemple que la médecine des blancs est nécessaire pour les problèmes physiques, mais que les guérisseurs locaux savent beaucoup mieux traiter les blessures de l'âme. Pour ce qui est des soins il ne leur fait aucune confiance, et il va jusqu'à créer lui-même un centre de soins pour les lépreux tant il est révolté par le traitement qui leur est fait.

Ce livre est une superbe histoire, celle d'un homme qui n'a pas cherché l'aventure mais l'a trouvée en faisant ce qu'il aime et en respectant les autres. Bravo Jean Michonet.
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