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Critique de afriqueah



Préambule pas négociable…. Il est impératif de lire les chroniques de @sandrine57 et de @Dombrow 01 sur « La mémoire du fleuve » avant de lire ce qui suit car ceci est la suite de leurs exposés.

Depuis Port-Gentil, presqu'ile de la côte gabonaise jusqu'à Lambaréné, nous remontons l'Ogooué, en compagnie de Jean Michonet qui raconte sa vie et tout d'abord celle de ses grands-parents : Une Myéné, épousée « à la coutume » avec Jean Marie Isaac, un jeune sabotier Français qui par les hasards de la vie arrive au Gabon. Une des deux enfants, Marie part faire des études en France, et rencontre Marcel Michonet ; ils se marient par amour d'abord en France puis, de retour au pays, à la coutume. Marie met au monde plusieurs fils, dont Jean, dont nous suivons le parcours. Comme son grand père, comme son père, ce sont des forestiers blancs, la mère métis, le fils quarteron, Jean, considéré pourtant comme blanc bien qu'il se sente chez lui, dans son pays, et qu'il en adopte la culture. Lui-même se marie avec une Gabonaise, puis avec une Française, et comprend très vite le malaise de sa mère, en butte aux harcèlements de ses cousins et de ses parents. Épouser les deux cultures ne va pas du tout de soi, car il doit se conformer aux coutumes, à celles qui ont fait souffrir sa mère (les fétiches, les maladies, les croyances superstitieuses, l'insécurité due aux hommes tigres, (hommes déguisés en tigres) qui terrorisent la population en voulant manger les parties génitales ... pour se sentir plus forts.)
En ce début du XX· siècle, être métis au Gabon, cela signifie conjuguer les deux mondes, avec tous les risques et les doutes que cela comporte, ce que fait avec passion Jean. Comme son grand-père, il se fait initier dans le bwiti, société secrète avec pouvoirs surnaturels, société régissant la vie sociale, tout en n'étant pas dupe des trucs utilisés par certains sorciers.

Par l'intermédiaire de Christian Dedet, qui recueille ses propos, Jean Michonet raconte son « initiation », bien que cela soit interdit, et qu'on puisse se douter que ce soit seulement l'ingestion de l'iboga qui lui fait apercevoir une fourmi géante, puis sa mère, pourtant morte depuis longtemps, puis une montagne pleine de neige. Très jeune, il chasse les hippopotames et les éléphants, puis il ouvre une factorerie, fait descendre les radeaux de billes d'okoumé le long du fleuve, il commerce et recrute pour d'autres forestiers, et enfin devient chasseur de crocodiles.
Il serait vain de vouloir rapporter la vie exceptionnellement aventureuse et variée d'un homme qui couple deux cultures dans un pays où ce n'est pas la norme, à une rationalité européenne qui ne peut nous aider en l'occasion, incapable est-elle de penser « le hasard qui, en Afrique, peut indifféremment vous tuer ou vous faire participer aux mystères de la nature ». Ce livre doit être lu comme une suite palpitante d'évènements captivants s'enchainant les uns les autres, en un tout bien ficelé.

Car l'objet du roman, au-delà de l'aventure racontée au jour le jour, est le Gabon, sa forêt primaire, les liaisons fluviales, les animaux colossaux, les énormes pythons qui peuvent vous tomber dessus ou s'enrouler autour de la pirogue ainsi que les coutumes des fangs, venus de l'Est : l'anthropophagie, qui existe, se trouve partiellement guérie par l'église pentecôtiste.
L'auteur, à propos des crocodiles, évoque la coutume barbare, lorsqu'un village se sent menacé parles orages qui détruisent les plantations, la sécheresse, les prédateurs divers, de livrer une jeune vierge, vivante, fille du chef sans doute élevée et préparée depuis l'enfance et aussi droguée, avec ses bijoux que l'on retrouve dans le corps du monstre.
Un crocodile sera trouvé vivant dans la Seine, le jour où une messe est célébrée à Paris à la mémoire de Jean Michonet, preuve de la force de son esprit.
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