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Critique de ahasverus


Alexandre Selkirk était un marin écossais à fort caractère. S'étant querellé avec son commandant, il demanda à être débarqué dans une île déserte des mers du Sud où il vécu seul de 1704 à 1708. On pense que Daniel Defoé s'est inspiré de son histoire pour écrire Robinson Crusoé en 1719.

A l'âge de 59 ans, après une vie aventureuse d'espion, de commerçant, et de pamphlétaire condamné au pilori, l'Anglais Daniel Defoe présente au public le roman qui le fait entrer dans la postérité : "La Vie et les aventures étranges et surprenantes de Robinson Crusoé de York, marin, qui vécut 28 ans sur une île déserte sur la côte de l'Amérique, près de l'embouchure du grand fleuve Orénoque, à la suite d'un naufrage où tous périrent à l'exception de lui-même, et comment il fut délivré d'une manière tout aussi étrange par des pirates."
Si l'on a oublié le titre original, Robinson Crusoé s'est lui gravé dans notre patrimoine culturel . Sans l'avoir lu, nous savons tous que ce marin échoue sur une île déserte où il finit par rencontrer Vendredi, un insulaire.

Mais Robinson Crusoé c'est un peu plus que cela. Tellement plus que c'est un peu confus selon l'édition que vous consultez, selon ce que j'ai pu voir chez les distributeurs.
Allez, suivez moi, je vous explique...

Defoé publie en 1719 son livre au titre interminable, qui va de la jeunesse de Robinson à son retour en Angleterre 35 ans après l'avoir quittée. C'est parfois ce qu'on trouve sous le titre "Robinson Crusoé", voire "Robinson Crusoé partie 1"

Quelques mois après la parution de ce premier volume, Daniel Defoé publie "Les Nouvelles Aventures de Robinson Crusoé", jugées moins intéressantes par la plupart des critiques : Robinson retourne sur son île et apprend ce qu'il est advenu de la colonie. Après de multiples péripéties dans lesquelles Vendredi perd la vie, il revient en Angleterre, en passant par la Chine et la Russie, à l'âge de 72 ans. On trouve généralement cette suite sous le titre "Robinson Crusoé partie 2", cependant toutes les éditions n'assurent pas le même découpage.

Enfin,vers 1720-1721, Defoé écrit ses "Réflexions Morales de Robinson Crusoé" aussi traduites en "Réflexions sérieuses de Robinson Crusoé". Réputées ennuyeuses et dispensables, elles sont difficiles à trouver. Vous pouvez acquérir l'intégrale chez Gallimard, La Pleiade. Quant à moi, je vous recommande l'édition Rencontre Lausanne, de 1967, qu'on découvre facilement d'occasion à des tarifs abordables. Elle contient les deux premières parties des aventures de Robinson.

Réflexions morales ou pas, Robinson Crusoé est un livre qui fait un grand cas de l'obéissance au père, de la foi, et de la rédemption, s'inscrivant dans les valeurs de son époque colonialiste.

L'édition que j'ai pu lire a donc l'avantage de présenter ces deux premières parties dans leur traduction la plus prestigieuse, celle de Petrus Borel (1809-1859). Bien que la seconde partie des aventures de notre héros comporte quelques longueurs - les interminables sermons sur le mariage - les deux forment un tout et méritent d'être lues. Il existe cependant une très récente traduction en poche par Françoise du Sorbier qui semble avoir bonne réputation et se rapprocher du style original.

Pour vous orienter dans le choix de votre Robinson Crusoé, s'il se termine par (traduction Petrus Borel) : "de mes nouvelles aventures durant encore dix années, je donnerai une relation plus circonstanciée ci-après", c'est que vous avez sous les yeux la première des trois parties. Ce n'est malheureusement pas expliqué par tous les éditeurs.

Daniel Defoé a incarné en Robinson Crusoé, un mythe moderne du retour à la nature. Son écriture n'est pas destinée aux enfants. Sa méthode - avec notamment des inventaires détaillés des biens du naufragé, son journal, des descriptions de lieux ou de coutumes - rappelle fortement les relations de voyages des grands découvreurs (Bougainville, La Pérouse - au fait, quelqu'un a des ses nouvelles ?-, Cook, Darwin) et donne au récit l'apparence générale de la crédibilité. Les préfaces des deux parties laissent d'ailleurs planer le doute sur la nature de l'oeuvre, "narration exacte des faits" sans "aucune apparence de fiction".

Malgré ses trois cents ans, Robinson Crusoé se porte bien ! Rousseau voyait en lui le seul ouvrage propre à éduquer Emile, et il a ouvert la voie à toutes sortes de "Robinsonnades", dont l'énumération serait fastidieuse, mais dont le dernier spécimen qui me vient à l'esprit est l'excellent Lost on Mars de Ridley Scott. Il est aussi intéressant de voir ce que cette matière brute a donné sous la plume de quelques écrivains, et je pense particulièrement à Michel Tournier et ses deux Vendredi.

Enfin, puisqu'il faut bien en terminer avec ce Robinson-là, sachez qu'il existe au Chili une île Robinson Crusoé, dont la légende veut qu'elle soit celle de Selkirk, vous vous souvenez ? L’irascible naufragé volontaire du début de l'histoire.
Si ça ce n'est pas ce qu'on appelle la postérité...
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