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Critique de LaBiblidOnee


Bien calée dans le sable d'une plage battue par les vents, j'ai lu Robinson Crusoé. Surprise qu'il date autant (1719), je me réjouis immédiatement de l'écriture confortable qui en découle, et prends la mer avec le héros (inspiré d'un personnage réel). Robinson est un aventurier dans l'âme : Il a tout sur le continent pour vivre comblé mais, contre les avertissements de ses parents, il décide de prendre le large. Sauf qu'il se repentira de ne pas avoir su apprécier ce qu'il avait, car tout va lui être enlevé. Une succession de péripéties en mer aurait pu lui faire entendre raison, mais Robinson a soif de liberté et d'aventure. Lorsqu'il repart en mer, son navire est pris dans une tempête. Tout le monde périt sauf lui, bon nageur que le hasard ou la providence va échouer sur une île… plus ou moins déserte.


Il va y rester presque 30 ans. Pourtant, aucune longueur dans le texte de Defoe. On se prend au jeu au contraire : on se cherche un coin sur l'île où être abrité tout en pouvant surveiller d'éventuels bateaux, puis on vide l'épave du navire pour sauver de quoi vivoter un temps. On se construit un nid douillet, on le fortifie contre d'éventuels envahisseurs bestiaux ou humains, on finit par regretter qu'aucun envahisseur ne vienne nous tenir compagnie, on tombe sur une vieille bible dans une vieille caisse et on renoue avec Dieu ; on apprend à apprécier ce que l'on a : être en vie sur une île fournissant à boire et à manger, c'est déjà tellement extraordinaire ! Alors on chasse, on cultive, on apprend à se faire du pain et puis du beurre, on s'invente des barbec' à la broche et, par nécessité, on s'initie à la poterie. On se forge un troupeau de chèvre, on apprivoise Poll le perroquet pour qu'il nous fasse un peu la conversation. Et l'on continue de méditer sur le destin et d'invoquer le réconfort de Dieu, qui jusqu'alors n'était pour nous qu'un vague concept…


On a tout le temps pour fabriquer un bateau mais le manoeuvrer seul dans ces courants est impossible. Pourtant, le bout d'île que l'on aperçoit au loin est tentant. Et effrayant aussi : si elle était peuplée de ces sauvages cannibales dont la côte regorge ?
Les années filent, on coche les jours ; plus de quinze ans déjà et… Mais que vois-je ? Une empreinte de pas plus grande que la mienne …?!…


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Même si l'histoire est connue, j'ai redécouvert certains « détails » déformés par le dessin-animé de ma jeunesse « Flo et les Robinsons suisses », comme l'apparition de Vendredi, la découverte d'ossements dans une crique, etc…
Il y a peu, je vous disais qu'« Au nom du Japon » m'avait déçue car on ressortait de cette lecture sans savoir ce que le soldat japonais avait bien pu faire concrètement de ses trente années sur l'île. Dans Robinson au contraire, on éprouve avec le personnage le contenu de ce temps élastique. Les petites aventures du quotidien, des explorations aventureuses, quelques rencontres inattendues, et de grandes frayeurs ponctuent le récit.


La démarche n'est pas celle d'un retour à la nature volontaire et militant comme avec Thoreau ou Abbey. Mais on y retrouve, une fois qu'on y est, l'apprentissage puis l'acceptation de la solitude, ainsi que la valeur du travail autant pour survivre que pour s'occuper et vivre dans le présent.
Et ne pas devenir fou. Car on imagine que trente années de solitude forcée doivent finir par peser. Cependant, même retourné à une sorte de vie sauvage, Robinson ne semble jamais faire l'objet de pulsions comme dans certains autres romans (« sa majesté des mouches », « l'île », etc…) : il n'est jamais question de femmes, jamais d'envie de mourir mais au contraire une volonté farouche de vivre, même si c'est pour rester seul sur l'île ; et jamais non-plus d'envies de meurtres même après trente ans de vie sauvage : Quelle que soit la créature, il ne tuera toujours que par nécessité et avec respect.


Qu'est-ce qui protègera Robinson de tout cela, à part son flegme britannique ? Probablement sa redécouverte de la vieille bible, qui l'invite à méditer sur le concept de possession quand on n'a presque rien, de chance dans un malheur qui aurait pu plus mal tourner, et de signes du destin prouvant que Dieu ne l'a pas abandonné, et qu'il n'est pas seul. Les pires moments ne sont-ils pas souvent les plus propices pour se raccrocher à la foi ? Il retrouvera ainsi l'émerveillement de ce que la vie nous prodigue et qu'on ne voit pas toujours. Pour autant la religion n'y est présente qu'en tant que faisant partie intégrante de notre société, mais il s'agit d'un roman d'éducation au sens plus large, d'évasion et d'aventure. Etrangement d'ailleurs, une notion ne quittera jamais Robinson malgré toutes ces années : celle de propriété, de possession ; et celle de « cheffer ».


Une (re)découverte idéale pour les vacances estivales !


« Le plus haut degré de la sagesse humaine est de savoir plier son caractère aux circonstances et se faire un intérieur calme en dépit des orages extérieurs. »


Je vous fais des bises salées et m'en retourne à mon yoga sur la plage !
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