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Critique de YsaM


Ce livre est un SP envoyé par les éditions City que je remercie sincèrement, je n'ai jamais été déçue en lisant leurs romans et une nouvelle fois je dois avouer que le livre est un petit bijou que j'ai adoré. Olivier et Yolande Delagrange nous embarquent dans la vie d'une femme libre pour son époque, qui a du se battre et faire des choix parfois douloureux pour y arriver.

On ne peut pas dire que Gisèle Robic soit née sous une bonne étoile. Elle vit dans une ferme Bretonne avec deux soeurs et un frère, au sein d'une famille de fermiers. La mère est une mégère acariâtre dont Gisèle est le souffre-douleur, elle peut cependant compter sur le soutien de son père, même si celui-ci finit souvent par se rallier à l'avis de son épouse. Gisèle ne se sent bien que lorsqu'elle est à l'école ou lorsqu'elle lit, et la petite est douée, ses institutrices décèlent tout de suite de grandes aptitudes chez elle. Bien sûr la lecture c'est en cachette, sa mère arrache les livres si elle en trouve, elle considère que c'est une perte de temps, que Gisèle doit aider à la ferme comme les autres de la fratrie.

Avec le décès de son père qui, sur son lit de mort, à fait promettre à sa femme que Gisèle devait continuer les études, la vie de Gisèle devient encore plus compliquée, outre les brimades physiques et morales, sa mère a décidé que la jeune fille étudierait à la maison, il n'est pas question qu'elle perde son temps à l'école. Elle s'épuise à la tâche mais arrive toutefois à concilier ses études et le travail quotidien qui n'a jamais de limites. Un diplôme de comptabilité en poche, elle décide de quitter la maison où elle n'a jamais été la bienvenue pour tenter de trouver un travail à Paris.

On ne peut qu'être admiratif devant cette frêle jeune femme qui part vers l'inconnu, qui ne connaît personne dans la capitale, qui a très peu d'argent en poche mais qui va forcer le destin. Gisèle va rapidement trouver un emploi au service comptabilité de l'hebdomadaire « le Parisien ». Elle va aussi faire la connaissance de Corentine qui va l'héberger dans sa petite pension familiale. La patronne est originaire, comme elle, de Bretagne, autant dire que c'est le début d'une amitié indéfectible.

Petit à petit, et dans un monde d'hommes, Gisèle va se faire remarquer, en particulier par Augustin, un chroniqueur culturel qui se rend vite compte que la jeune femme a de belles qualités rédactionnelles. Il va l'aider et se battre pour qu'elle obtienne un poste de correctrice au sein du journal. C'est compliqué, nous sommes en 1952, les femmes doivent encore demander à leur mari l'autorisation de travailler, elles n'ont pas de réel statut ni aucun droit d'ailleurs. le rédacteur en chef n'est pas très coopératif, pour lui il n'est pas question d'avoir une femme correctrice et encore moins journaliste, ça ne s'est jamais vu au sein d'un journal mais il faut bien avouer que Gisèle est aussi compétente qu'un homme et parfois mieux, il finit par accepter, sous l'impulsion d'Augustin et l'aventure professionnelle de Gisèle commence.

On découvre une femme passionnée par son travail, une perfectionniste qui ne laisse rien au hasard et qui a des rêves à réaliser, elle veut être journaliste et elle va se donner les moyens d'y parvenir. Augustin n'est jamais loin quand il s'agit de lui donner un petit coup de pouce, il fait tout pour aider la jeune femme, il est son plus fidèle soutien et son meilleur ami, on aimerait qu'une histoire d'amour s'immisce entre eux mais on comprend tout de suite que ça va être compliqué.

Gisèle dont le pseudo est désormais J Zèle est totalement happée par son travail, difficile alors de mener une vie de femme à côté, elle va pourtant tomber sous le charme de Damien. Ce n'est pas un mauvais garçon, c'est un jeune homme qui n'a pas eu de chance. Tout avait pourtant bien commencé pour lui. Titit parisien, il squattait le cimetière du Père Lachaise avec la bande de copains et avait obtenu quelques victoires en cyclisme, il s'entraînait avec un certain Bergman qui avait décelé en lui une graine de champion, mais la guerre a balayé ses rêves. La rafle du Vel d'hiv et la déportation de Bergman va profondément l'affecter et le précipiter dans la résistance. Lors d'une opération de sabotage, sa soeur va être tuée et lui très gravement blessé. Il va rester hospitalisé très longtemps et ne sera plus jamais le même. Diminué physiquement, déprimé par le décès de sa soeur et de certains amis mais aussi parce qu'il n'a jamais eu de nouvelles de Bergman, il va s'adonner au jeu et à la boisson, fréquentant un certain Japot, officier de police, qui va l'entraîner dans de sombres desseins.

Vu le caractère de Gisèle et ses envies de réussite et d'émancipation, j'ai un peu de mal à comprendre comment elle peut s'enticher de Damien qui est aux antipodes de ce qu'elle est. le garçon boit, n'est pas très cultivé, a des idées rétrogrades en ce qui concerne les femmes et de sales fréquentations. Tout ça semble bien incompatible. Est-ce que Gisèle jette son dévolu sur lui parce qu'elle sait qu'avec Augustin, rien n'est envisageable ?

Elle s'installe avec le jeune homme et tente de concilier sa vie de couple et sa carrière à côté qui prend de l'essor, Gisèle gravit les échelons et rédige, désormais, des articles de presse. Mais ce n'est pas simple, Damien n'est pas du genre à comprendre ce que sa compagne fait exactement. Il n'est même pas admiratif de son travail et de son ascension sociale, il ne tolère pas que Gisèle ait besoin de ce travail pour s'épanouir, peut-être parce qu'il ne partage pas son amour pour la littérature et la culture en général et qu'il a des idées bien définies sur le rôle de la femme.

Quel livre intéressant, voire bouleversant. On s'attache tout de suite au personnage de Gisèle, on est chamboulé par son enfance chaotique, le rejet et les brimades de sa mère. On est en admiration devant son courage, sa résilience et sa force d'aller de l'avant. Gisèle se fixe un but, elle est méticuleuse, perfectionniste, elle sait ce qu'elle veut et fera tout pour y arriver.

Elle côtoie Simone de Beauvoir, travaille avec Françoise Giroud et va se faire un nom dans la Presse, d'abord au Parisien, puis au magasine ELLE, enfin elle va collaborer à l'express. Elle va se servir de sa notoriété pour faire avancer des causes humanitaires auxquelles personne ne s'intéressait et va notamment se rendre en Afrique. C'est un parcours professionnel très riche où elle rencontre de grands noms, c'est un épanouissement total, une belle réussite, mais qu'en est-il de sa vie privée ?

C'est le revers de la médaille, pour arriver à ce niveau elle s'est un peu sacrifiée, s'interdisant d'aimer, travaillant toujours plus, se contentant finalement de son travail comme partenaire. Mais il y a Louis, le fils qu'elle a eu avec Damien et qu'elle élève seule, il est son petit miracle, celui qui lui donne la force d'avancer et d'aller toujours plus haut, c'est pour lui qu'elle veut briller. Ils sont fusionnel tous les deux, cet enfant est brillant et promis à un bel avenir. En amour elle a parfois eu de belles rencontres qui se sont vite avérées comme des rendez-vous manqués.

C'est un livre féministe qui met en avant les femmes et leurs combats pour s'émanciper. On assiste à l'avènement du MLF et toutes les petites victoires acquises d'arrache-pied. J'ai passé un merveilleux moment avec ce roman de 703 pages qui offre de belles émotions, du rire, de la joie, mais aussi des moments plus graves qui donnent parfois lieu à une petite larme. J'ai adoré le personnage de Gisèle et j'ai vraiment aimé découvrir sa vie. Je me suis demandée si le personnage était réel mais à la fin, Olivier Delagrange explique qu'il a mélangé faits réels et fiction.

Un très beau livre que je recommande.
Lien : https://jaimelivreblog.wordp..
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