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Critique de Nastasia-B


L'architecture, en tant que discipline artistique, a le pouvoir d'émouvoir les gens. Au cours de l'histoire de l'Humanité, l'architecture est passée par des hauts et des bas. Par exemple, la période mérovingienne brille par son insignifiance architecturale, surtout lorsqu'on la compare en France à des réalisations antérieures de l'époque romaine, ou bien encore, hors de nos frontières, à des joyaux très anciens tels que la Pyramide de Gizeh ou la Porte d'Ishtar.

Je m'avance sûrement, mais j'ai le sentiment qu'on traverse, depuis l'après Seconde Guerre Mondiale, une grande période de creux architectural, quant aux émotions véhiculées, notamment en comparaison du foisonnant XIXe siècle ou des mouvements du début XXe tels que l'Art Nouveau ou l'Art Déco.

L'histoire a démontré que ces tendances évoluaient et faisaient renaître périodiquement des moments fastes. J'espère qu'on renouera bientôt avec une nouvelle phase créative émouvante, pourquoi pas à l'occasion de la révolution verte dans les matériaux et la production d'énergie qui est en train de se préciser de plus en plus.

Mais, en dépit du creux de la vague, quand la stéréotypie et l'absence d'âme ont réussi à atteindre un niveau rarement égalé, il nous reste les ponts, passerelles et autres viaducs. Rien que la symbolique du pont — lieu de passage et d'échange par excellence — est en soi poétique, mais c'est surtout l'un des rares terrains où les hommes d'aujourd'hui exercent encore leur fibre artistique à des fins utilitaires.

Ouvrages d'art, ouvrages magiques, seuls encore capables, parmi les modernes, de faire déplacer des foules rien que pour les admirer, eux qui ont pourtant, à l'origine, une fonction purement pratique. Or, malgré le fait qu'on pourrait les faire moches et rectangulaires à l'image du reste (comme d'ailleurs les enjambements d'autoroute nous le démontrent), or, donc, bien souvent ils sont beaux, majestueux, impressionnants.

L'homme se sent petit face à eux mais l'homme y voit poindre le talent, le génie et l'audace de l'Homme ; l'Homme en tant qu'espèce, l'Homme de tous les possibles, l'Homme dans ses grands moments, lorsqu'il daigne mettre son temps et son énergie dans la création positive et non dans les sempiternels errements de la guerre (physique ou économique).

Récemment en France, les yeux se sont braqués sur ce coin perdu du Larzac parce qu'on y voyait se tendre les tabliers et les câbles du Viaduc de Millau. Plus modestement, dans ma petite ville de Strasbourg, le seul édifice architectural propre à susciter l'émotion construit depuis ces 50 dernières années me semble être la Passerelle des Deux Rives qui relie la France à l'Allemagne d'une bien élégante façon en faisant un sourire au Rhin.

Préalablement, il y avait cet autre formidable ouvrage d'art qu'est le Pont de Normandie qui chevauche joliment l'embouchure de la Seine, reliant Honfleur au Havre et qui n'aurait pas manqué d'être portraituré par Monet s'il pouvait encore nous peindre des Impression Soleil Levant.

Je me suis souvent questionnée sur ce pouvoir émouvant des ponts. Et, tenez, comme je vous parle de Monet ; que resterait-il de votre visite à Giverny si vous en retiriez le fameux pont japonais ?

Oui, c'est beau un pont, quand c'est bien fait et joliment pensé. On dirait un gros animal disparu, une sorte de grand squelette de diplodocus, comme au muséum, qui étendrait son cou démesuré et sa longue queue caleuse de part et d'autre des rives d'un fleuve. Certes, mais un gros diplodocus qui aurait la légèreté et l'élégance d'une libellule et de ses ailes diaphanes tout en conservant un je-ne-sais-quoi de souplesse végétale dans les haubans, à l'instar des lianes reliant les troncs géants des forêts primaires.

Ce livre est essentiellement un livre de photos d'art, uniquement en noir et blanc ; il vous retrace l'esthétique tant du pont lui-même que de celle de ses bâtisseurs à l'oeuvre. Et je n'en reviens pas de ce que cela peut être beau de voir des hommes au travail, lorsque le travail est tel que celui-ci. Il y a des dimensions d'effort et d'esthétique entremêlées absolument ravissantes.

Les prises de vues sont superbes ; on voit le pont se monter peu à peu. le livre se termine sur un volet plus technique et également un historique du projet de construction ainsi que des débats qu'il a pu susciter. Bref, si un jour vous faites le pont et que vous ne savez pas trop quoi faire... prenez le Pont de Normandie (Raymond, sors de mon corps !). Mais ce n'est bien évidemment qu'un avis quelque peu cardiaque, ayant subi un triple pontage, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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