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Critique de horline


Lionel Destremau n'est pas en phase avec son époque, une légère patine recouvre Gueules d'ombre roman terriblement ancré dans la première moitié du XXe siècle.
Alors certes le cadre apparait indéterminé ou fluctuant mais l'esprit enferré dans ses habitudes reptiliennes qui est mien s'est contenté de retenir les références à la Première guerre mondiale avec une guerre de position où l'infanterie s'est révélée dépassée face à l'apparition de l'artillerie lourde, l'aveuglement volontaire ou pas à l'arrière du front, une génération qu'on a sacrifiée et une enquête policière au milieu des tranchées ravinées par la boue et le sang.

Ce premier roman détonne avec son académisme au regard de la scène littéraire actuelle. On est surpris de tomber sur une fiction qui reprend les canons du roman policier traditionnel avec une énigme, des impasses, des indices pour relancer l'enquête. On retrouve également issus du polar américain un enquêteur en rupture de ban dont le discernement met en lumière les traumas et la survivance de la douleur durant l'après-guerre, et une fiction dopée par une double narration dans laquelle l'inspecteur et l'inconnu s'expriment chacun pris dans son environnement, séparé de l'autre par toute la distance de l'énigme.

Mais la plus grande réussite de Lionel Destremau est de nous offrir un véritable roman populaire : il glisse sans effort d'une dimension à l'autre de ce roman d'enquête tout en lui donnant une coloration particulière à travers l'intimité des familles des frères d'arme de l'énigme Carlus Turnay. Les portraits apparaissent et se diffractent dans un recueillement presque exténué pour une humanité prise au piège des jeux de massacre. On est loin des petits soldats de plomb, les compagnons d'arme de Carlus viennent à notre rencontre à la manière de fantômes et malgré le faible éclairage, l'auteur parvient à guider notre regard au fond de leur gorge.
J'ai véritablement été séduite par ce roman à l'esthétique ancienne, étrangement hors des sentiers battus à une époque où la littérature française arpente sans cesse le territoire de l'omniprésence du ressenti. Lionel Destremau a su trouver un rythme dont il est difficile de soustraire jusqu'à la chute qui nous laisse un peu hébété. Même si la résolution de l'enquête nous préoccupe moins au fil de la découverte de la personnalité de Carlus.
Auteur à suivre.
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