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Critique de andras


andras
15 décembre 2017
Dans la première moitié du XXe siècle et notamment entre la première et la deuxième guerre mondiale, le Mexique est devenu une terre d'accueil pour de nombreux artistes ou intellectuels venus d'Europe et des Etats-Unis. Le couple magnétique que formaient les peintres Diego Rivera et Frida Kahlo y est sans nul doute pour beaucoup. Peut-être aussi que l'attrait pour la Révolution menée par Emilio Zapata et Pancho Villa a joué comme ce sera plus tard le cas au tournant du millénaire pour la province mexicaine du Chiapas avec le mouvement zapatiste et le célèbre sous-commandant Marcos.

Patrick Deville a choisi parmi ces intellectuels deux figures singulières du XXe siècle qui ont séjourné au Mexique dans les années trente : Léon Trotsky, qui finira sa vie mouvementée à Mexico, assassiné en 1940 d'un coup de piolet par Ramón Mercader, un homme de main de Staline, après avoir échappé quelques mois auparavant à une première tentative d'assassinat par un autre stalinien, le peintre mexicain Siqueiros, qui fut de la "bande à Rivera", les machetteros; et l'écrivain anglais Malcolm Lowry, l'auteur de "Au-dessous du volcan" (Under the Volcano), un des romans les plus célèbres du XXe siècle.

Les deux hommes ne se sont pas rencontrés, ils n'évoluaient pas dans les mêmes milieux et si Patrick Deville les réunit dans ce livre au titre tronqué ("viva" qui ? quoi ? au lecteur de compléter !), c'est (du moins je le suppose) qu'ils sont tous les deux importants dans l'imaginaire de l'auteur. Pour Lowry, cela est dit de façon non ambiguë; pour Trotsky, on devine que Deville éprouve une sympathie certaine pour l'homme, sinon pour ses idées et ses actes politiques.

Le livre est très riche et la trame historique qui nous emmène du 9 janvier 1937, jour du débarquement de Trotsky dans le port de Tampico au Mexique, où l'attendent Diego Rivera et Frida Kahlo qui l'hébergeront à Coyoacán, au Sud de Mexico, jusqu'à la date fatidique du 20 août 1940 où Trotsky succombera aux coups de son assassin, cette trame s'étire aussi bien vers le passé (pour des premières esquisses de "Au-dessous du Volcan" ou des faits d'armes de Trotsky contre les "légions tchèques", repoussant la contre-révolution depuis son train blindé) que vers le futur (pour voir enfin Lowry réussir, en 1947, a publier son roman, pour accompagner Frida Kahlo dans son dernier combat contre la maladie, pour voir Diego Rivera renier Trotsky et rejoindre le camp des partisans de Staline).

Mais, et c'est un des charmes du livre, plusieurs autres personnages, notamment des écrivains, viennent dans ces années là au Mexique et Patrick Deville parvient à les intégrer avec beaucoup de subtilité à son récit, en y mêlant aussi des souvenirs personnels. Ainsi on rencontre au fil des pages Bernard Traven (l'auteur anarchiste du Trésor de la Sierra Madre), Arthur Cravan, Antonin Artaud, André Breton et quelques autres. Deville rend aussi hommage à un homme qui semble avoir beaucoup compté pour lui, l'éditeur Maurice Nadeau qui a édité Malcolm Lowry.

Pour qui aime la littérature, les épopées, les coups d'éclats, ainsi que les réflexions sur L Histoire, ce livre sera du miel. Je reste admiratif devant cette fresque historico-littéraire que Patrick Deville a su peindre en mêlant artistement des couleurs si diverses. Un tableau que n'auraient pas renié, je crois, ni Frida, ni Diego. En tout cas, pour Frida, la femme "au merle entre les deux yeux", j'en suis certain.
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