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Critique de germanaud




Un soir… est un recueil de nouvelles sur le thème de la rencontre amoureuse. Au point de départ de chaque texte, se croisent deux êtres banals, modestes, deux regards (« la petite énigme du regard »). En toile de fond : villages des Ardennes, petites villes provinciales, bals du samedi soir, campagne et champs de pommes de terre. Un détail déclenche une passion, si infime parfois qu'il est oublié jusqu'à ce que l'évidence surgisse. « A vrai dire, dans n'importe quelle histoire, si commune soit-elle, il y a un moment prodigieux qu'il est difficile de saisir et qui met en jeu les évènements. le moment fut peut-être celui où Thierry aperçut par la fenêtre le ciel déchiré jusqu'à l'horizon. »
Les personnages d'André Dhôtel se laissent mener par le hasard – on peut appeler cela destin. Ils flottent, s'égarent, reviennent sur leurs pas des années plus tard. Ils flottent mais ne doutent pas, patients et placides, cherchent sans toujours savoir quoi, se heurtent à des obstacles, se trompent d'objet, poursuivent encore, oublient une femme pendant trente ans et la retrouvent vieillie mais la même. Et leur amour intact. Ils prennent des chemins buissonniers, sans urgence, dégagés de toute introspection comme de tout jugement. La narration, tout en détours et croisements, en errances, prend parfois, dans sa sinuosité et ses rebonds, des allures de fable.
Plaisir de se perdre pour mieux se retrouver et quête émouvante. Parce ce que l'objet ne s'en dessine qu'une fois qu'il est atteint et qu'il n'y a pas lieu de s'étonner ou de s'émouvoir des multiples et improbables coïncidences qui mènent au but. A la lisière du fantastique parfois (maison hantée, phénomènes météorologiques surnaturels, personnages inquiétants), la narration digresse, les protagonistes dérivent, mais Dhôtel nous mène, dans une langue limpide et une construction sûre, à la révélation. Seul le lecteur s'en émerveille (le personnage qui s'en étonne, lui, est vite « remis en place » par de plus aguerris que lui), et savoure ce contraste entre un monde ordinaire – ils sont fonctionnaires, employés de bureau, elles circulent en motocyclette et servent dans des cafés – et le fantasque ou la fantaisie de la vie qui se déroule sous ses yeux. Mieux vaut laisser tomber le bon sens. Seul le coeur gouverne, envers et contre tout. Chacun sortira de la confusion par la confiance dans ses sentiments et dans la vie. En ce sens, les nouvelles qui composent Un Soir… constituent l'envers exact de la tragédie : il y a une fatalité, mais elle est nécessairement heureuse.
La Clé à Molette, grâce à un précieux travail de réédition de textes devenus introuvables, nous invite à redécouvrir André Dhôtel. le plaisir de lecture est intact. Dhôtel nous peint avec tendresse et optimisme des anti-héros, un peu perdus, un peu vagabonds, un monde aussi envoutant que familier. Chez le même éditeur paraîtra en fin d'année La Route inconnue. D'autres titres devraient ensuite voir le jour en 2015.
Frédérique Germanaud
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