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Critique de Lamifranz


Le saviez-vous ? le premier roman de Dickens n'était pas consacré à l'enfance malheureuse, et ne poussait pas le lecteur à fondre en larmes… ou alors de rire ! Car « Les Aventures de Monsieur Pickwick » est un roman essentiellement satirique et comique. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir une certaine épaisseur sociale et un intérêt psychologique réel.
Et pourtant, « Pickwick » a failli ne jamais exister, ou en tous cas pas chez Dickens ! Au départ c'est un dessinateur, Robert Seymour, qui composa une série de planches humoristiques mettant en scène des membres d'un club londonien, le Nemrod Club censé regrouper des « sportsmen » accomplis, qui se révèlent en fait des chasseurs maladroits et volontiers ridicules. L'éditeur chercha désespérément un écrivain pour écrire un texte d'accompagnement à ces pochades humoristiques. Il finit par trouver un jeune homme appelé Boz, auteur déjà de quelques « Esquisses ». C'était bien sûr notre ami Charles Dickens qui n'avait encore rien écrit de véritablement important. Et c'est ainsi que tout a démarré. Mais Dickens, on le sait, était un jeune homme plutôt indépendant, et dès qu'il fut dans la place, il imposa ses points de vue : Monsieur Pickwick qui était maigre, devint gras, la chasse passa à l'arrière-plan dans les activités du club, et celui-ci commença à prendre un autre visage. L'éditeur était content, le dessinateur s'inclina (mais, devenu neurasthénique, il se suicida quelque temps après). Mais le succès était là et il n'allait jamais se démentir.
Monsieur Pickwick, c'est comme qui dirait une version victorienne de Don Quichotte : un doux rêveur qui prend ses rêves pour des réalités, qui vit dans un monde inventé, certes, mais c'est le sien, et celui où il entraîne une poignée de disciples les « Pickwickiens ». Et comme Don Quichotte avait son Sancho Panza, Monsieur Pickwick a Sam Weller, son domestique, qui a la particularité de ne s'exprimer qu'en cockney (argot londonien). Imaginez Passepartout parlant à Philéas Fogg avec la langue de Gavroche ou pire, celle des malfrats d'Albert Simonin ou d'Auguste le Breton. Très vite, le cadre du club se révèle trop étroit, et Monsieur Pickwick entraîne ses amis dans un voyage à travers l'Angleterre. L'occasion de vivre un certain nombre d'aventures cocasses où sa naïveté, sa bonne foi (souvent trahie), son étourderie, et en même temps sa bonté et sa placidité sont mises en avant. L'occasion aussi pour l'auteur d'égratigner quelque peu les institutions britanniques, avec lesquelles il a quelques comptes à régler.
Dickens a ainsi créé un type. Beaucoup d'écrivains de tous les pays reprendront ce personnage un peu replet, bonhomme et sympathique, mais gaffeur et maladroit comme il n'est pas possible (Vous avez dit M. Bean ?). S'il n'y avait pas eu Monsieur Pickwick, l'humour british aurait manqué quelque chose, peut-être même n'aurait-il pas existé avec autant de force et de présence.
Pourtant l'humour, qui est l'ingrédient n° 1 de ce roman, ne suffit pas à expliquer son succès : ce qui est attachant dans « Les aventures de Monsieur Pickwick », c'est que dans « cet étrange voyage, ce sont les voyageurs – surtout le principal d'entre eux – qui se transforment. Non pas dans leurs traits, ni dans leur débit, ni dans leurs attributs immuables, mais dans leur coeur » (Pierre Leyris).
Dickens ne serait pas Dickens si au-delà de la satire, il n'y avait pas dans le roman, cette pétillance de l'oeil qui marque aussi bien l'intelligence et la finesse que l'affection et l'amour.
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