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Critique de Titine75


L'intrigue de “Temps difficiles” se situe dans la ville imaginaire de Coketown (qui est en fait Manchester) au plus fort de l'industrialisation. Nous découvrons sur plusieurs années la vie d'une famille de notables : les Gradgrind.

Les deux enfants de la famille Gradgrind sont élevés dans la doctrine utilitariste. Leur père l'applique absolument à tous les compartiments de la vie quotidienne. Les enfants ne peuvent passer leur temps qu'à étudier, l'amusement et l'imagination sont totalement proscrits. “En toutes choses, vous devez vous régler, vous laisser diriger par les faits. Nous espérons avoir avant longtemps un Comité des faits, composé de commissaires des faits, qui forceront les gens à ne considérer que les faits et rien que les faits. Vous devez exclure de votre vocabulaire le mot Imagination. Vous n'avez rien à en faire. Vous ne devez en avoir dans aucun objet usuel, dans aucun ornement, ce qui serait, en fait, une contradiction. ” Cette doctrine va effectivement très loin puisque les deux enfants Gradgrind ne peuvent aller au cirque ou même avoir des chevaux sur leur papier-peint puisque ces animaux ne peuvent marcher aux murs ! Charles Dickens nous montre l'évolution de ces deux enfants imprégnés d'utilitarisme et le moins que l'on puisse dire, sans trop en dévoiler, c'est que les idées de leur père ne feront pas d'eux des adultes heureux.

Temps difficiles” est également l'occasion pour Charles Dickens de faire une sévère critique de l'industrialisation à outrance de l'Angleterre. Les conditions de vie des ouvriers des filatures de tissu sont longuement décrites et critiquées par Dickens. Les ouvriers sont exploités, usés par le travail à la chaîne. On suit le personnage de Stephen, ouvrier à l'usine, dans ces différents malheurs. Il vit misérablement, supporte une femme devenue alcoolique mais il reste honnête. Il est même pour Dickens l'incarnation de la droiture. Les patrons de l'usine n'ont que mépris pour Stephen et ses semblables et pour eux aucune de leurs plaintes n'est recevable. La ville de Coketown est très marquée par l'industrialisation. Les descriptions de Dickens sont extraordinaires, la ville est peuplée de hautes cheminées d'usines qui crachent perpétuellement de la fumée. le jour n'atteint pas les habitations rouge brique, toute la ville est plongée dans un épais brouillard. le nom choisi par Dickens le dit bien : Coketown c'est la ville du charbon. “C'était un jour d'été ensoleillé. La chose arrivait parfois, même à Coketown. Vu de loin par ce temps, Coketown apparaissait noyé dans une brume inaccessible aux rayons du soleil. On savait seulement que la ville était là, parce qu'on savait que la tâche maussade qui s'étalait dans le paysage ne pouvait être qu'une ville. Un brouillard de suie et de fumée qui se dirigeait confusément tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, tantôt montait vers la voûte du ciel, tantôt s'avançait sombrement au ras du sol, selon que le vent s'élevait ou s'apaisait ou changeait de direction, un enchevêtrement compact, sans forme, traversé par des nappes d'une lumière oblique qui ne laissait voir que de grosses masses noires : Coketown, vue de loin, s'évoquait lui-même bien qu'on ne pût distinguer aucune de ses briques.”

Temps difficiles” est un roman assez court par rapport aux autres oeuvres de Charles Dickens. Pour cette raison, on ne retrouve pas le foisonnement de personnages auquel l'auteur est habitué. Ici nous ne suivons que la destinée de la famille Gradgrind et celle de Stephen en pointillés. D'ailleurs l'ouvrier croise la famille Gradgrind à de nombreuses reprises et il finit par s'intégrer à leur histoire. Comme toujours chez Dickens, les personnages sont extrêmement tranchés. Les “bons” le sont du début à la fin et sont irréprochables. Ils sont incarnés par Stephen et son amie Rachael, tous deux ouvriers, ils servent à défendre la thèse de l'auteur contre l'industrialisation. Les mauvais bougres sont bien évidemment des notables. Ils sont facilement identifiables puisqu'ils sont les victimes de l'ironie féroce de Dickens. Un exemple avec la description de Mr Bounderby, ami de Mr Gradgrind : “Il n'avait guère de cheveux. On pouvait imaginer qu'il les avait fait s'envoler à force de parler, et que ceux qui lui restaient et qui se dressaient en désordre sur son crâne ne se trouvaient dans cet état que parce qu'ils étaient sans cesse éparpillés par le vent de sa vantardise.”

Temps difficiles” ne fait que conforter mon admiration pour Charles Dickens. J'apprécie son extraordinaire style, ses envolées lyriques, ses personnages si tranchés, son parti-pris et son humour qui adoucit la noirceur de la fumée de Coketown. La condamnation du capitalisme est de plus très moderne. le personnage de Bounderby, parti de rien et devenu riche, ne comprend pas pourquoi les ouvriers ne font pas tous comme lui. Si lui l'a fait, tout le monde peut le faire. On entend toujours aujourd'hui ce type de discours chez les fervents défenseurs du capitalisme. Dickens continue à nous faire méditer.


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