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Critique de ATOS


On peut parfois voir les choses vous murmurer... haleine de poussière, rêve fantôme, empreintes de chimères..., l'image danse à la fenêtre du rêve. « Si une image présente n fait pas penser à une image absente, (…) ,il n'y a pas d' imagination ». G. Bachelard, L'air et les songes.
Essai sur l'imagination du mouvement. «  Génie du non-lieu ».
Essai de Georges Didi-Huberman. L'Art est éternel et vivant. Quel est donc alors l'esprit qui donne corps à son génie ? Quel est la nature de ce qui nous entoure ? Quelles images construisent notre demeure ? Quelle est la nature d'un lieu, et la réalité d'un espace ? L'artiste n'investit pas un espace , il crée un lieu. Quel fable s'inscrit sur la rétine de notre mémoire ? Quelle histoire ? Quel passé hante notre demeure ? Ou plus justement quelle pensée se projette en elle ? « l'imaginaire ne conduit bien un psychisme dynamique que s'il prend l'allure d'un voyage au pays de l'infini. » rappelait Gaston Bachelard.
« L'ange du soir rêveur, qui flotte dans les vents,
Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures,
Les prières des morts aux baisers des vivants. ».. .« La forme d'un toit noir dessine une chaumière » . ..Crépuscule. Victor Hugo.
« Maison de vent demeure qu'un souffle effaçait. » , Louis Guillaume.
L'absence a un parfum. Les images sont des effluves courantes dans le conduit de notre mémoire.
Si le passé laisse des traces, la pensée , elle, retrace. Elle flotte sur l'océan de notre histoire.
C'est travers les Delocazione de Claudio Parmiggiani que le philosophe nous entraîne. Nous entraîne à penser, méditer, imaginer. Essai philosophique, traité poétique. Et cela sous la plume du philosophe cela ne s'oppose absolument pas. Bien au contraire, l'un porte ce que l'autre contient. C'est dans la fertilité d'une pensée que réside la force de son avenir.
Étrange et mystérieux voyage. «  Dialogues de bouche de fumée à bouche de fumée »… P. Celan.
« L'image serait à penser comme une cendre vivante ».
Comment réanimer, réactiver, nourrir le feu devant et dedans lequel danse notre pensée ?
Comment une empreinte de fumée peut elle recomposée une empreinte de poussière ? Comment pouvons nous nous rendre à cette idée ?
Il ne s'agit pas ici de scories, d'obscurité, mais bien de souffle et de mise en lumière. On ne lit pas dans la suie, mais à travers ses contours. Comme on ne lit pas dans l'encre mais à travers la pensée qu'elle dessine. Paradoxe ? Là où la fumée étouffe , là où la poussière se dépose il souffle en un lieu le mystère d'une présence extrêmement vivante. Création de l'esprit. Un espace semble s'ouvrir dans le lieu de notre mémoire. Ce n'est pas un passé qui ressurgit, mais alors, est-ce l'âme des choses qui nous souffle, nous murmure à l'esprit ? Dans «  l'impureté de ce silence de suie » quelle chorégraphie appelle notre pensée ? Quelle survivance engendre une éternelle lumière ? Quelle est cette «  vie opiniâtre » dont parle Rilke dans les cahiers de Malte Laurids Brigge ?
« Poussière : poétique de la matière en mouvement ». «  La poussière devrait tomber et pourtant elle s'élève ». Particules impalpables.. Traité d'alchimie. Comme le rappeler Gaston Bachelard : «  pour obtenir la pureté par la distillation ou par la sublimation, un alchimiste ne se confiera pas seulement à une puissance aérienne. Il trouvera, nécessaire de provoquer une force terrestre pour que les impuretés terrestres soient retenues vers la terre. La descension ainsi activée favorisera l'ascension. Pour aider à cette action terrestre, de nombreux alchimistes ajoutent des impuretés à la matière à purifier. Ils salissent pour mieux nettoyer ». C'est ce qu'il nommera : la participation active à deux qualités contraires. C'est ce que l'oeuvre de Parmiggiani m'évoque : une alchimie du rêve.
«  Un certain gris, c'est aussi un fossile ramené du fond des mondes imaginaires(..), une sorte de détroit entre des horizons extérieurs toujours béants, quelque chose qui vient toucher doucement et fait résonner à distance divers régions du monde coloré,(..) quelque chose qui n'est pas chose, mais possibilité, latence et chair des choses ». M.Merleau Ponty, le visible et l'invisible.
Car il s'agit dans l'oeuvre de Parmiggiani de sculptures d'ombres, rondes bosses de grisaille, de tissage « dans l'ombre des icônes d'absence ». Il ne s'agit pas de nuit, pas d'opacité mais tout au contraire de claire voyance, logé en son silence.
Le songe est un éveil. Et c'est l'essence même de la vie. Et c'est un réel plaisir que de songer que cet essai puisse exister.
Qu'il puisse « ouvrir finalement une fenêtre lumineuse sur le monde ».
Je referme ce livre en laissant la fenêtre ouverte et je songe à Angelo, l'ange que Parmiggiani a fabriqué en 1995. Angelo, cette « quelque part dans l'air », cet indéfinissable, ce sentiment , ce quelque chose, je ne sais quoi, qui flotte dans l'air.
«  L'ombre de la chair doit être de terre brûlée », Léonard de Vinci.
Car il faut « plonger non pas la vie dans le rêve, mais le rêve dans la vie ». C.Parmiggiani, Stella Sangue Spirito.

Pour découvrir un peu l'oeuvre de Claudio Parmiggiani : https://dutremblementdesarchipels.blogspot.fr/2018/02/claudio-parmiggiani-sculpture-dombre.html

Astrid Shriqui Garain
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