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Critique de Gangoueus


La nuit de l'Imoko est un recueil de nouvelles. Je l'ai dit. Vous l'avez entendu. Brillant. Avec des nouvelles assez longues. Tantôt, relevant de la fiction la plus pure qui en dit long, elles assènent beaucoup plus de vérités que certains récits ancrés dans une réalité subjective. Tantôt, regard mélancolique et amoureux sur une ville, Saint-Louis, regard désabusé sur la chute du vieux président Wade. le tout soigné par une mise en pli qui porte le discours de Boubacar Boris Diop

Ces nouvelles ont été écrites entre 1998 et 2012. Je n'arrive pas à tenir le taureau par les cornes, elles ont été sciées.

Allez. Je prendrai la première nouvelle. La petite vieille. Une petite dame européenne ayant ses entrées chez les grands pontes d'un régime africain, et pour cause : elle est la maîtresse du chef d'état major... Elle trouve des financements pour des projets cinématographiques. Elle octroie des prix à des artistes africains, le jury faisant office de chambre de validation étant composé de bénis oui-oui. Elle s'autorise des réflexions arrogantes et paternalistes justement lors de la délibération. Excédé, un anonyme autochtone la recadre sévèrement. Il va pouvoir sentir dans son corps toute l'étendue de son impertinence. Boubacar Boris Diop décrit dans cette petite nouvelle, avec un rire froid, qui donne le ton de ce recueil, une teneur du règne de l'arbitraire. Un arbitraire dicté par d'autres, même quand on pense être aux manettes. La question pourrait-être comment résister à la folie et à l'abus de pouvoir des uns ? Est-ce que chacun d'entre nous à le pouvoir de résister ? Les personnages mis en scène dans cette nouvelle révèlent leur faiblesse et leur dépendance, que ce soit Lamine Keïta, le cinéaste à la recherche de subvention pour réaliser des films à destination de l'étranger, ou de son ami, Malick Cissé, brillant penseur mais chômeur de son état. Ce dernier ose l'ouvrir. Naturellement, il y a dans le propos de Boubacar Boris Diop, une critique de ce cinéma subventionné par des étrangers et dont beaucoup d'africains doutent tout bas de son ambition à les représenter.

Allez. Une deuxième pour la route. le regard que porte Boubacar Boris Diop sur la ville de Saint-Louis. Dans l'écriture de cette nouvelle, que je qualifierais plutôt de récit court, l'écrivain sénégalais livre au lecteur l'âme de cette ville sur un plateau. La description est donc très différente du texte précédent. Un homme vivant à l'étranger revient avec son épouse Déborah dans la ville qui l'a vu grandir. Il fut doomu ndar. Il est doomu ndar. Il restera doomu ndar. Un homme dont l'ancrage dans la ville est ancien. Ce qui n'est pas neutre pour Saint Louis, ville coloniale par excellence. Point avancé de la France en Afrique depuis la période de la Traite négrière. Elle porte un héritage lourd que Boubacar Boris Diop décrit avec parcimonie. Portrait de ses populations métisses, de ses signares, de ses pécheurs, de sa vieille ville, de son extension tout azimut et non contrôlée ou encore de sa rivalité avec Dakar. le regard de l'immigré est chargé de nostalgie et de non-dits avec l'autre qui découvre des pans tus de sa personnalité. Ce type de regard, sur une ville, est très rare en littérature africaine. Il y a la patte du journaliste qui a basculé vers le roman et l'envie transmise de découvrir cette ville historique.

Naturellement, je ne vous raconterai pas les différentes nouvelles. L'attention de Boubacar Boris Diop se porte sur les grands comme sur les petits. Il autopsie avec la même minutie la chute de Wade et le meurtre d'un homme fortuné exécuté par son diallo. Il semble que dans l'esprit de l'auteur sénégalais, le questionnement est vital. Questionner des traditions obsolètes. Interpeler des rapports humains hiérarchisés qui feraient dire à beaucoup que l'esclavage se porte à merveille dans certaines contrées. Interroger un monde qui change, un système politique, cette démocratie si fragile qui vole en éclats au Mali ou semble se renforcer au Sénégal. Observer la solitude, la fragilité d'hommes, de femmes entre les mains de puissants identifiables ou pas.
Lien : http://gangoueus.blogspot.fr..
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