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Critique de Alzie


La Renaissance a son musée et on l'oublie trop souvent ; ouvert en 1977, sur une idée d'André Malraux, au château d'Ecouen, dont on ne saurait que trop conseiller la visite. Bâti sur un ancien site médiéval dont il ne reste rien et reconstruit vers 1538, il offre par son architecture élégante - liée aux noms de Jean Bullant et de Jean Goujon - et ses collections précieuses, issues pour la plupart des réserves du musée de Cluny, un témoignage vivant de la Renaissance française et, d'une manière plus générale, participe au rayonnement de la renaissance européenne. Ce numéro que Dossier de l'art lui consacre en est une superbe mise en lumière. Une visite avant la visite en quelque sorte, ou même après.

Présentons d'abord le maître des lieux, Anne de Montmorency (1493-1567), qui reçut le prénom de sa marraine, Anne de Bretagne. Connétable de son état, ami de François 1er et d'Henri II, dont le portrait par Léonard Limosin - peinture à l'émail sur cuivre datée de 1556, dans son cadre d'époque, conservé au musée du Louvre -, est reproduit en majesté p 83. C'est mon coup de coeur : l'homme à l'air bienveillant, son teint frais surprend et on adore le rendu délicat de l'étole d'hermine qui le fait paraître encore plus rose ! Un chef-d'oeuvre renaissant de l'émail peint de Limoges. Les pages réservent bien d'autres surprises.

Revenons à la lecture en son début. Simplicité absolue d'un découpage éditorial faisant passer le lecteur des élévations extérieures novatrices de l'époque, aux amènagements et aux décors intérieurs conservés où se note parfois l'influence de Fontainebleau (lambris, trumeaux de cheminées, escaliers, carreaux de pavement) puis aux nombreux et riches objets de collections en dépôt : mobilier, tapisseries et cuirs, vitraux, céramiques, émaux, verrerie, armes, dinanderie, horlogerie, cadrans solaires, astrolabes etc. On n'a pas forcèment de goût pour tous, mais on ne peut s'empêcher d'admirer, parfois un détail, que la photo et la très belle mise en page mettent en relief. Un parcours passionnant au coeur des arts décoratifs qui donne la pleine mesure du foisonnement artistique et des échanges à la Renaissance, "boostés" par la diffusion des modèles que favorise le développement de la gravure. Sculpteurs, ébénistes, peintres-verriers, lissiers ou céramistes d'ateliers flamands, italiens ou français rivalisent d'ingéniosité et de talent pour placer des arts, qui ne sont pas alors considérés comme mineurs, à un niveau de virtuosité étonnant quand ce n'est pas spectaculaire.

C'est par l'architecture et son vocabulaire repris de l'antique que s'ouvrent les portes du château : plusieurs très belles photos du bâtiment, et notamment, l'incontournable avant-corps de la façade de la cour sud et son ordre colossal spectaculaire abritant les deux captifs de Michel Ange, dans leurs niches (copies). L'exceptionnelle tapisserie de David et Bethsabée étant une autre prouesse qui surprendra le visiteur sur ces lieux, ou encore, la ravissante Daphné d'argent doré coiffée d'un buisson de corail (Nuremberg, 1500), pour laquelle j'ai un petit faible. Pas question de tout recenser.

Le château d'Ecouen tombe dans l'escarcelle des Condé au XVIIe siècle, qui lui préfèrent Chantilly autre possession de notre connétable esthète ; les Condé procèdent à de nombreux transferts. Nombre des trésors des collections ont été détruits ou saisis à la Révolution et confiés ultérieurement au musée des Monuments Français ou plus tard au Museum central des arts, ancêtre du Louvre actuel, qui les remet parfois en dépôt en leur lieu d'origine, ainsi va l'histoire. Ainsi, une belle copie de La Cène, attestée à Ecouen depuis le début du XVIIe siècle au moins, est-elle réinstallée en 1980. Exécutée en 1506-1509 par Marco d'Oggiono, d'après Léonard de Vinci, l'une des plus ancienneps et intéressantes copies qui soient (sur toile), de la célèbre fresque du maître florentin, et qu'on peut voir aujourd'hui dans la chapelle du château : deux pages d'informations complémentaires sur l'histoire de la fresque et des innombrables copies qu'elle a suscitées sont fournies au lecteur.

Le dossier Ecouen "hors les murs", à la fin du numéro, propose aux randonneurs impénitents de retrouver, les oeuvres, les éléments architecturaux ou de décors dispersés. L'autel ainsi que des verrières et une série de 44 vitraux en grisaille (ayant pour thème les amours de Psyché et Cupidon) destinée à la galerie occidentale d'Ecouen, ont été remontés au Château de Chantilly ; de même les originaux des deux captifs de Michel-Ange cités plus haut sont désormais visibles au musée du Louvre qui conserve, par ailleurs, plusieurs autres trèsors d'Ecouen dont la pietà de Rosso Fiorentino, peinte entre 1530 et 1540. Quelques itinéraires complémentaires sont judicieusement conseillés, de l'église paroissiale d'Ecouen jusqu'aux collections des émaux de Limoges. Les plus curieux pourront s'aventurer, hors de France, et prendre contact avec d'admirables collections contemporaines de celles d'Ecouen à Londres (Victoria and Albert Museum), Rome (musée du Vatican), Florence (Le Bargello), Dresde (musée de la Voûte verte) et New York (Metropolitan Museum of Art). Belles perspectives à tous ces voyageurs potentiels.

A pied, à cheval ou à vélo, plus probablement en RER (l'arrivée par la forêt est tout à fait recommandée), précipitez-vous à Ecouen pour une complète Renaissance.
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