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Critique de Klasina


Profonde enquête romanesque, profonde enquête du genre humain.

Dostoïevski, dans les Frères Karamazov joue le rôle d'inspecteur de la conscience morale. Avant d'évoquer les intérêts métaphysique et philosophique du roman, j'esquisserai l'intrigue. Fiodor Pavlovitch, débauché, père d'une fratrie, issue de deux mariages caducs, est assassiné par un de ses fils. L'accusé : Dimitri Karamazov, son premier fils, qui a toutes les raisons de l'être. Or, il s'avérera que cela n'est pas le cas. Par là, le roman apparaît comme une enquête, un roman policier.

Intéressons-nous à la fratrie.
Dimitri est par excellence le grand pêcheur, figure qu'on compte au moins une fois dans chaque roman de Dostoïevski.
Ivan, deuxième fils, représente deux abîmes humains. Entre doute, scepticisme, il s'interroge sur l'existence de Dieu.
Alexei ou Aliocha, est dévoué à la religion et au grand staret Zosime. Il marche dès lors sur le chemin de Dieu.

Au-delà de l'intrigue : on retrouve une interrogation sur l'existence humaine. Les points de vue se confrontent, la philosophie ne se confine pas dans un système. La métaphysique de Dostoïevski se révèle dans la dialectique entre les personnages. L'homme trouve la lumière de la moralité dans les péchés (conception discutable).

Métaphysique et philosophie se conjuguent. A travers Ivan, se pose la question suivante : qu'est-ce que l'homme sans Dieu ? Et si Dieu n'est pas là pour imposer la loi morale à l'homme, ce dernier la suivra-t-il ? Rien n'est moins sûr. Et, puis s'ouvre une réflexion profonde sur l'existence et le christianisme : le fameux épisode du Grand Inquisiteur. D'où on peut tirer la phrase : "il n'ya rien de plus séduisant pour l'homme que le libre arbitre, mais aussi rien de plus douloureux". Par là, se révèle la dimension existentialiste de l'homme.

La liberté implique un choix qui se remet à soi même, c'est cette confrontation face à soi qui est douloureuse, car elle nous ronge de doutes, et nous fait connaître la mesure de nos actes et les conséquences qui en découlent.

Ensuite, qu'a été l'Eglise dans le christianisme ? le grand inquisiteur montre la subversion des valeurs de l'Evangile. Jésus est symbolisé dans cet épisode face à l'inquisiteur. Il ne dit rien, symbolisant la non violence, telle qu'elle a été sur la Croix. le message de liberté annoncé par le Christ est rejeté, face à la violence commise à l'égard des « hérétiques ».

Ce message inversé repose sur les faiblesses humaines, contre lesquelles Jésus voulait élever l'homme. le message du Christ était avant tout un message de liberté, mais ô combien difficile ! : « Tu as accru la liberté humaine au lieu de la confisquer et tu as ainsi imposé pour toujours à l'être moral les affres de cette liberté."

L'Eglise, au contraire : " Nous avons ainsi corrigé ton oeuvre en la fondant sur le miracle, le mystère, l'autorité. Et les hommes se sont réjouis d'être à nouveau menés comme un troupeau et délivrés de ce don funeste qui leur causait de tels tourments". Ainsi, le message du Christ trop inhumain pour de tels mortels corruptibles et enclin au pêché, a été reconfiguré par l'Eglise, qui a été le berger du troupeau, qui volontairement refusait sa douloureuse liberté.

Lire les Frères Karamazov, c'est se questionner sans cesse comme un enquêteur, et chercher des indices, des traces, sur le grand chemin de l'existence.

C'est une oeuvre majeure de Dostoievski qui couronne sa carrière. Entre psychologie profonde, parricide, suspens énigmatique, et l'existence de Dieu, et le douloureux libre arbitre, ce roman est une véritable investigation dans la conscience morale de l'homme.
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