Afin de protéger le roi, de jeunes garçons rebelles sont entrainés dans la meilleure école de combat pour devenir des Lames – les plus grands épéistes au monde. Pour celer leur sort et une partie de leur volonté, un serment magique lie leur essence à leur égide – qui se trouve être le roi, ou bien le noble qu'il a choisi de protéger. le destin d'une Lame est de mourir pour cette personne, de la défendre au prix même de sa propre vie. Sang et honneur sont les leitmotivs de leur existence.
Mais la désillusion est grande quand les aspirants quittent le Hall de Fer. Car rien ne va plus à la cour : le spectre de la guerre est loin, le roi, bien que bon dirigeant, néglige ses protecteurs en les laissant mourir d'ennui au milieu des froufrous aristocratiques, les nobles ne se préoccupent que des prochains bals et de leurs relations sociales, et la vie semble figée dans un sourire crispé. Les Lames ne sont guère plus que d'agréables babioles à exhiber pour montrer son influence.
J'ai été surprise car je m'attendais à lire dans toute cette trilogie ce qu'il se passait uniquement dans le tome 1 : la vie de la plus brillante et de la plus audacieuse Lame qui ait pu exister. Son ascension, sa chute, ses aventures, sa vieillesse, ses complots… Durendal – puisque c'est lui – est le personnage principal de ce premier volet, et doit d'abord faire face à l'ennui caractéristique de la cour, supporter une égide pour le moins ridicule avant de se couvrir de gloire en sauvant le roi, puis de partir dans des missions périlleuses. C'est un scénario un tantinet classique, mais l'auteur a réussi à distiller le suspens en morcelant passé, présent et avenir. le temps qu'on recolle les morceaux, qu'on retrouve qui a fait quoi, quels personnages ont changé de nom, et on est déjà bien avancé dans le récit.
Mais comme cette histoire ne dure que 300 pages (au lieu des 900 auxquelles je m'attendais), j'ai eu l'impression de survoler certains épisodes, notamment quand Durendal, Mangeloup et Kromman se rendent en Samarinde. Quatre ans de voyage passés sous silence ! Résumés en une poignée de lignes. J'aurai voulu en savoir plus, vivre leurs aventures, me sentir partir avec eux. C'est la même chose pendant les années de formations au Hall de Fer – rien ! Pas un mot ! Alors que j'aurais bien aimé assister aux progrès du jeune Durendal, à ses conflits face aux autres élèves et aux Maîtres. de même, quand notre héros revient de l'étranger et commence à tâter de la politique. Tout est très bref, comme résumé. L'auteur balance les événements à la suite et évoque l'effet que ça a sur le royaume, sur le roi et sur le personnage principal. C'est tout. Plusieurs années passent à travers ces quelques lignes et c'est vraiment dommage.
Les volumes suivants (Le Seigneur des Terres de Feu et Un ciel d'épées) se déroulent à la même époque, mais se centrent sur des personnages secondaires. le deuxième tome a pour protagoniste Pæarhd – dit Pillard –, un aspirant du Hall de Fer qui est également un des héritiers du trône du Baelmark. Nous suivons les complots qu'il noue et qu'il déjoue, les routes tordues qu'il est contraint de suivre pour accéder au trône, son entrée sur la scène politique et – en réalité – la fin de son innocence. le dernier volume, lui, relate la vie de la princesse Melinda, et également ses complots et ses manigances pour conserver sa tête et sa couronne. C'est le récit que j'ai le plus apprécié, non seulement parce que le héros est une héroïne, ce qui facilite mon identification, mais aussi parce qu'on alterne entre le présent, où elle est injustement jugée pour trahison, et le passé, où on voit comment elle en est arrivée là. Deux angles de vue sont apportés sur les faits : d'un côté, les accusations qu'on lui porte la diabolisent, et de l'autre, on constate qu'elle n'est qu'indirectement responsable des conséquences – voire pas du tout. Melinda a un fort caractère, un sens aiguisé de la justice et de la politique, et surtout, elle n'a pas de chance (si vous lisez, vous pourrez le constater…). Assister à ses malheurs, à la manière incroyable dont elle se démène pour sortir la tête de l'eau, à son courage incroyable pour affronter les situations a quelque chose de… divertissant (aussi cruel que cela puisse être).
En finissant le deuxième livre, j'ai eu droit à une grosse surprise : la fin est en contradiction avec celle du premier. En effet, dans L'Insigne du Chancelier, le roi Ambrose meurt de vieillesse (on peut dire ça comme ça) après quarante années de règne, et sa fille, mariée à un Baelois depuis bien dix ou vingt ans, revient au Chivial avec ses enfants pour prendre la succession. En revanche, dans le deuxième, elle s'apprête à épouser Pæarhd, mais finalement il la laisse rentrer chez elle, devinant qu'elle n'accepte aucunement cette union et que son père lui force la main. Avant de repartir dans son pays, il tire un carreau entre les yeux du roi, qui meurt sur le coup. Hum, QUOI ? Il était censé avoir encore vingt ans de règne à faire !
J'ai passé plusieurs centaines de pages à me demander pourquoi l'auteur avait décidé de faire une telle chose, si c'était pour laisser au lecteur le droit de choisir la fin qu'il préférait… Jusqu'à ce que finalement la réponse arrive dans les toutes toutes dernières pages du dernier volume. Réponse d'ailleurs assez étonnante ! J'ai trouvé qu'elle donnait trop d'importance à la magie, qui n'était jusqu'alors que peu présente. J'apprécie quand elle possède des limites, mais la fin du tome 3 les balaie et est un peu tirée par les cheveux.
En revanche, il y a bel et bien une vraie erreur dans ce volume – enfin, je pense que c'en est une, mais peut-être est-ce voulu ? Dans L'Insigne du Chancelier, quand les chiens géants attaquent le palais (page 184 de l'édition intégrale de Bragelonne), Durendal entre dans la chambre de la princesse, qui est allongée dans son lit, les yeux grands ouverts, terrifiée, et son père est à ses pieds. Dans le tome 3 (page 631), sieur Serpent vient la chercher au début des événements pour la cacher dans un passage secret de sa chambre et on lui annonce plus tard que tout est fini.
Voilà pour l'histoire ! le style de Dave Duncan, quant à lui, est très descriptif. J'ai même failli décrocher à plusieurs reprises quand le manque de rebondissements se faisait ressentir. S'il y avait eu plus d'action, je lui aurais facilement pardonné, mais il choisit de se centrer plus sur les intrigues de cour que sur les aventures, alors que la couverture et le résumé promettent tout l'inverse ! Par moment, on s'ennuie presque autant que les Lames… En revanche, ses piques humoristiques sont excellentes (plusieurs sont en citation) et je dois aussi accorder que j'ai beaucoup aimé l'univers qu'il a créé. le principe des Lames est très intéressant, car elles dépendent complètement de leur égide et deviennent presque folles dès qu'elles la sentent en danger. Cela influe littéralement sur leur caractère – ceux qui passent leur serment tendent à devenir paranoïaques – et sur le quotidien, étant donné que les Lames n'ont presque pas besoin de dormir.
Certains personnages sont assez peu travaillés – comme Durendal, qui serait presque caricatural s'il n'avait pas sa grande gueule, son sens de la réplique et son don pour hérisser le poil des bonnes personnes juste comme il faut. D'autres le sont beaucoup moins – je pense en particulier au roi Ambrose, qui est plein de contradictions. Je crois que c'est le personnage le plus incroyable qu'il m'ait été donné de rencontrer dans un livre ! Il est à la fois un bon dirigeant pour son peuple et un tyran pour ses proches, il déteste qu'on le contredise, mais s'il ne rencontre pas opposition, il ne peut respecter son interlocuteur. Il est courageux, droit et pétri de sens de l'honneur sur un champ de bataille, mais vicieux et cruel envers ses ennemis quand il s'agit de négocier et de manigancer. Manipulateur, observateur, calculateur, mais juste – la plupart du temps. Son orgueil, qui n'a d'égal que son embonpoint, est sûrement la raison de cette complexité. Il condamne ceux qui le gène sans véritable procès, sacrifie ses alliés comme des pions, mais sait se montrer loyal envers ceux qui lui sont entièrement dévoués. Il suscite l'admiration de Durendal par son sens de la politique et la fermeté de ses décisions, mais aussi son désaccord par son comportement égoïste, voire cruel. J'ai admiré le travail de l'auteur, qui a dû se creuser les méninges pour faire un personnage aussi imprévisible et cohérent, et j'ai l'impression d'effleurer seulement la surface de ce personnage en le décrivant ainsi ! C'est un être d'ombre et de lumière, un mélange grisé absolument parfait.
En somme, c'était une trilogie intéressante à lire, mais pas toujours accrocheuse. Quelques longueurs, quelques passages trop survolés, des personnages très caricaturaux, mais finalement, une histoire qui vaut la peine d'être lue :) Je regrette seulement (et profondément !) qu'il n'y ait pas de carte pour nous représenter le monde que nous décrit Duncan. D'autant plus que la géographie est assez importante, entre les côtes épineuses du Baelmark, les grandes villes du Chivial, les pays limitrophes, et la Samarinde (mais où c'que ça peut bien être pour demander deux ans de voyage ??). C'est une erreur. Pire, c'est une faute !
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