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Critique de marilyseleroux


L'Atelier des Noyers, né en Bourgogne en 2008, propose des livres d'artistes associant étroitement poésie et oeuvre graphique. Une rencontre sensible entre un poète, un artiste et une éditrice : Claire Delbard.
Laissons cette dernière présenter elle-même ses ouvrages : « Depuis la rentrée 2016, l'Atelier des Noyers propose à des créateurs (auteurs et illustrateurs) de relever le défi de jouer ensemble la partition de l'émotion de la première rencontre : autour d'un texte ou d'un univers graphique. La collection démarre avec trois univers : Carnets de philosophie avec Grandir, Carnets de Vie avec Novembre, Carnets de Couleurs avec Carnet de Bleus. En 2017 sont nés les Carnets de Nature, et Draps d'étreintes a inauguré en fin d'année un autre format, car certaines oeuvres plastiques imposent une verticalité, même si notre marque de fabrique reste le petit format à l'italienne. »
Carnet ocre de la poète québécoise Louise Dupré s'inscrit, comme son titre l'indique, dans la collection Carnets des couleurs. Un livre émouvant de mémoire et de deuil, de vie et d'espoir, à l'écriture épurée qui touche au coeur. L'ocre, dans toutes ses nuances de brun, de rouge et de jaune, colore une double approche, éternelle et personnelle. Matière et matérialité du mot, la poète vit en effet la terre/couleur dans sa chair, son espace intérieur autant que dans sa réalité géologique, historique et linguistique.
L'ocre, c'est d'abord celle de la terre qu'il faut creuser pour retrouver l'âme des morts, « ocre dur, coupable », matière brute innocente des traces qu'elle laisse derrière elle, ocre des pierres à polir jour après jour malgré « la faute impardonnable », ocre des poteries, des fossiles que l'on caresse pour amadouer sa douleur… C'est aussi la couleur immémoriale des peintures rupestres, « l'ocre des images millénaires / qui ont pu malgré tout traverser / les murs de la honte ».
Loin des cavernes, des fosses et des terres brûlées de l'Histoire, l'ocre offre aussi ses lumières qui emportent le regard et éclatent en leurres bienveillants capables de nous sauver de nous-mêmes. C'est la force des roches qui ont subi l'épreuve du feu. Une « sagesse », une « foi vive » que la poète recherche « à travers les trous du temps ». Elle supplie la terre de lui transmettre sa force de vie avant de l'engloutir « dans le tremblement / de son silence ». de l'opacité à la lumière, de l'effroi à l'oubli, le voyage n'est pas terminé, même si le mot « ocre » est « un vocable clos », même si l'avenir est « enfoui sous nos pieds » entre « les ombres jaunies / jetées sur les cimetières » et les mystères celés sous les dalles. Il faut descendre toujours plus profond, continuer de creuser la terre à mains nues, cette matière vivante qui est la nôtre depuis la nuit des temps. Certes « la terre reprend tout / ce qu'elle a donné » mais, ombres ou clartés, nous lui appartenons indéfectiblement.
Anouk van Rentergherm, jeune artiste bruxelloise qui a déjà illustré pour l'Atelier des Noyers les recueils Novembre et Au gré du gris des jours, accompagne magnifiquement ce chemin de vie au coeur de la matière couleur. Ses silhouettes humaines, minérales, végétales, réalisées au pastel sec, sont en marche. Fortes et fragiles à la fois, elles avancent vaille que vaille dans la poussière des villes, leurs architectures grandioses ou dérisoires, parmi les racines des forêts dont elles semblent le naturel prolongement. Envol, danse, colère, interrogation, tendresse, offrande, douleur…, les images de l'artiste répondent au texte de Louise Dupré avec subtilité et délicatesse dans une variation de tons empruntés à l'art des premiers hommes. Osmoses et contrepoints, elles font voyager les mots du poème dans une « langue commune » ouverte à la lumière. Malgré tout.
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