AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de uaeroffat


Au-delà de cette histoire foutraque d'un De Gaulle âgé de 120 ans revenant au pouvoir, le roman pointe les travers de notre société que l'auteur dénonce avec saveur. Les excès de l'Europe « économique » le révulsent : « D'un côté l'administration s'acharnait à supprimer tout contrôle de l'économie ; de l'autre, quantité de règles tatillonnes se greffaient sur la vie quotidienne. » La devise est désormais la suivante : « L'emblème des Trois Libertés (Entreprendre, Commercer, Circuler), conduirait le monde vers un nouvel âge de prospérité. » Prospérité, avez-vous dit ? Pas pour tout le monde ! Par exemple, les préposées aux renseignements téléphoniques ont été délocalisées : « Pour un coût trois fois moindre, et sans aucune protection sociale, elle y effectuait la tâche qu'accomplissait auparavant une jeune Française touchant désormais le revenu minimum d'insertion – ce qui répondait bien à ce concept de “nivellement par le bas” » assène-t-il page 218, dans un final satirique. Depuis les années soixante-dix, nous sommes installés dans ce qu'il appelle avec raison la « crise permanente ». En son nom, « les efforts demandés [sont] toujours présentés comme provisoires afin de préparer la fameuse “sortie du tunnel” » qu'on n'aperçoit toujours pas.
°
Duteurtre est-il passéiste ? Il se pose la question à lui-même : « Mais quelque chose me semblait encore plus déprimant que tout cela : l'idée d'être moi-même un absurde geignard en train de se lamenter sur la transformation des choses. » Il se décrit même en vieillard fatigué tentant d'haranguer de jeunes élèves passant dans un jardin public. Un policier s'interpose et s'adresse à lui avec la langue de 2050 : « Vou fet kôa ici, à parlé au jeun's. Savé pa k'sé interdi ? » le mélange des mots et des langages l'insupporte. Un exemple l'illustre avec pertinence : pourquoi prononcer le nom du joueur de tennis « Rodjeure Fédéraire » ? Cet homme est suisse. « Discrète manifestation de cette haine de soi selon laquelle tout ce qui sonne français est ringard et tout ce qui sonne anglo-américain est moderne. Roger a quelque chose de beauf, de tonton flingueur. “Rodjeure”, c'est autre chose, qui colle au commerce mondialisé. […] Mieux vaut donc angliciser ce prénom – quand bien même on prononce le nom de famille avec un accent français, ce qui est incohérent ; mais la langue des esclaves qui imitent leurs maîtres est souvent un peu bancale. » Une brève formule, page 61, résume sa vision de notre époque : « La modernité m'enchante ; la fuite en avant me désole. » Une formule que je fais volontiers mienne !
Commenter  J’apprécie          11



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}