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Critique de nilebeh


On parle beaucoup en ce moment de cette classe sociale qu'est le monde paysan, extrêmement majoritaire il y a quelques dizaines d'années, aujourd'hui totalement minoritaire. le remembrement, les grands céréaliers, les maxi-élevages sont passés par là avec des conséquences désastreuses sur le monde d'aujourd'hui. C'est manifestement l'analyse de l'auteure, Véronique Duval, qui livre ici le résultat d'une enquête journalistique et empathique à la fois, réalisée en Charente maritime.

Cinq exploitations agricoles, cinq équipes de fermiers désireux de se tourner résolument vers des techniques agricoles respectueuses du monde végétal et du monde animal. Ne plus nourrir les animaux pour engraisser des maxi-exploitants avides du toujours plus et à n'importe quel prix, pour plutôt nourrir les hommes de ce que proposent un élevage et une agriculture raisonnés et raisonnables.

Cinq familles sont observées, ou plutôt cinq équipes, car s'adjoignent au couple support de l'exploitation, des salariés, des conseillers, des parents et grands-parents qui ont fait la passation.

Ce qui unit ces cinq familles ? Tout d'abord le fait de n'être pas des citadins en mal d'expériences nouvelles mais des gens du cru, des enfants et petits-enfants de cultivateurs dits « conventionnels », gentil mot pour désigner les utilisateurs de techniques très mécanisées, de pesticides et d'engrais chimiques aussi. Peut-être pas au point des grands céréaliers des plaines de Beauce ou d'ailleurs, mais tout de même, des gens qui ont eu le souci d'obtenir un meilleur rendement.
Ces jeunes ont fait le choix de la qualité et pour y parvenir se font aider par des spécialistes, étudient le sol, pratiquent la jachère et l'assolement (exactement comme sous l'Ancien Régime, mais de façon plus scientifique) et visent le label bio, véritable, attribué au prix d'efforts conséquents, par des bureaux de contrôle.

Ensuite, ces nouveaux paysans sont souvent jeunes, mais certains arrivent déjà au moment de transmettre. Ils sont souvent actifs en dehors de leur travail, engagés dans la société, au travers d'associations et même parfois dans la politique locale. Autre point commun, ils forment une famille soudée, pas forcément symbiotique mais sur laquelle on peut compter. Ils sont aussi soucieux de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Travailler aux champs 60 à 70 heures par semaine comme leurs parents, non merci. Donc, ils se restreignent sur les besoins, embauchent, se donnent le droit d'être fatigués et de tenir compte de leur bien-être. Ils pratiquent entre eux une solidarité réconfortante et font passer la qualité avant la quantité. Produire moins pour nourrir mieux et vivre heureux. Ce qui est frappant c'est leur fierté de nourrir des gens qu'ils connaissent, puisqu'ils pratiquent la vente en circuit court, et leur souci de BIEN les nourrir. L'argent ici compte bien sûr mais n'est pas le moteur numéro 1.

Voilà donc des rencontres extrêmement intéressantes, sympathiques, rassurantes sur l'avenir de ce qui nous construit, à savoir la nourriture. Tout semble non pas rose bonbon mais tout de même sacrément encourageant. Pourquoi alors ai-je cette impression de « trop bien » ? L'auteure est attentive, empathique, positive, est-ce ce qui lui fait ne pas imaginer les désastres que vont produire les changements climatiques, l'utilisation toujours massive des produits chimiques par les voisins de nos agriculteurs bio ? Suis-je trop pessimiste ? Peut-être. le bio est à la mode, les prix vont forcément diminuer, que deviendra alors le revenu de l'exploitant bio ?

Elle met en avant des observations, par ailleurs, qui me plaisent bien, notamment l'idée de l'exploitant du paysage devenu paysagiste, car c'est lui qui façonne champs restreints, haies vives et bandes enherbées qui dessinent le paysage qui permet la vie des animaux..J'aime bien aussi cette idée qu'ont nos jeunes agriculteurs d'assurer toute la chaîne, de la culture du blé à la livraison d'un pain tout frais. (encore que là, il faille se heurter au goût des citadins pour un pain croustillant à 8h du matin, impossible sauf à faire trimer la boulangère toute la nuit...)

La première moitié du livre est une véritable mine, (notamment pour une Parisienne comme moi...), la seconde, est plus technique mais ne manque pas d'intérêt. On y parle, entre autres, de rotation des cultures, de la mémoire de la terre et de l'influence de la lune, des notions que je suppose étrangères aux forcenés de la rentabilité...

Un livre instructif qui nous fera regarder nos producteurs de légumes d'un autre oeil et rêver, un jour, de pouvoir n'acheter que des produits frais fournis nos agriculteurs et voisins...
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