AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Words move, music moves
Only in time; but that which is only living
Can only die. Words, after speech, reach
Into the silence."

Rien ne vaut un aperçu, pour aborder cette tentative d'écrire quelques mots sur les "Quatre Quatuors" d'Eliot.
Ce long poème, une méditation sur la vie, le temps, la poésie ou tout simplement sur les mots a valu a son auteur le Prix Nobel de la littérature en 1948.
Quatre poèmes (appelés selon les endroits existants en Angleterre et aux Etats-Unis "Burnt Norton", "East Coker", "The Dry Salvages" et "Little Gidding") étaient d'abord écrits séparément, pour réapparaître ensemble en 1943 en tant que "Four Quartets".
T. S. Eliot (qui appartenait avec Joyce, Woolf ou Pound parmi les plus grands représentants de la littérature moderniste en langue anglaise) nous met ici devant son oeuvre la plus universelle, mais aussi la plus difficile à décrire.
On peut sourire en feuilletant ses "Practical Cats", ressentir une certaine tristesse en lisant sur le manque de substance et la désespérante vacuité de la vie d'une personne ("The Love Song of J. Alfred Prufrock"), des hommes en général (The Hollow Men"), ou de la civilisation entière ("The Waste Land"), mais les "Four Quartets" sont encore différents.

Comme le titre l'indique, la structure du poème est étroitement liée à la musique. Cette composition "musicale" est absolument brillante : quatre poèmes en cinq parties, changements fréquents de rythme, phrases qui débordent sur une autre ligne, motifs qui se répètent et reviennent cycliquement, tout comme ce "temps" dont Eliot nous parle.
On peut lire ce recueil comme un concert poétique; un quatuor où les instruments sont remplacés par quatre voix : on peut ainsi trouver un narrateur "lyrique", un autre plus "méditatif", le troisième se rapproche de la conversation ordinaire et le dernier nous renseigne d'une façon plus "didactique".
On peut alors passer d'un lyrisme enflammé du :

"The intolerable shirt of flame
Which human power cannot remove
We only live, only suspire
Consumed by either fire or fire."

directement au constat posé et paisible de la partie suivante :

"What we call beginning is often the end
And to make an end is to make a beginning.
The end is where we start from."
("Little Gidding", IV et V)

Pourtant, le poème n'a aucun véritable "narrateur" et ne raconte aucune histoire. Même ses (assez nombreuses) références n'ont pas besoin d'être expliquées comme dans "The Waste Land", car elles se fondent dans le texte pour créer quelque chose de définitivement universel. Certes, on peut trouver ces références géographiques dans les titres, et en fouillant un peu plus, aussi des allusions à l'arbre généalogique d'Eliot, aux textes bibliques, prière mariale, mais aussi à la Bhagavad-Gita ou aux textes mystiques du moyen-âge. Malgré tout, le résultat ne met pas en avant les préférences religieuses d'Eliot; c'est une pure méditation sur le temps et l'éternité, le mouvement et l'inertie, la vie et la mort.

On ne peut pas l'"expliquer", mais on peut se plonger dans sa sagesse paradoxale et le "revivre" à chaque nouvelle lecture, un peu comme quand vous appuyez sur "replay" quand votre morceau préféré est fini.
Eliot lui-même disait que l'obligation d'un poète est de taire humblement sa propre voix au profit d'une "voix supérieure", et d'agir comme un catalyseur d'une réaction alchimique.
Dans les "Four Quartets", cette alchimie opère comme nulle part ailleurs.
On ne peut pas donner plus de cinq étoiles, alors 5/5. Excellent et éternel Eliot. Elégant, édifiant, énigmatique, envoûtant, étourdissant et écrasant Eliot. Comme toujours.
Commenter  J’apprécie          6414



Ont apprécié cette critique (53)voir plus




{* *}