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Critique de Presence


Ce tome contient les 2 derniers tomes de la version originale en anglais.

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- The cure (épisodes 49 à 54)

Le temps est compté pour Spider Jerusalem. Il commence par jouer un tour à Shannon Yarrow, avant de se rendre sur le site dédié à la mémoire de Vita Severn. Il se retrouve à patauger dans la boue, dans un quartier investi par les laissés pour compte, les miséreux de la cité. Cela se poursuit par une course sur le toit des voitures d'une artère bouchée, pour s'achever dans le bar de Fred (le transient) pour un interrogatoire sans les gants. Spider, Yelena et Shannon mettent en oeuvre le plan d'actions ourdi dans le tome précédent. Ils tiennent enfin un témoin capable d'incriminer Gary Callahan, le président des États-Unis en place. de son coté, Mitchell Royce prouve qu'il est un vrai professionnel. le temps passe, et la santé de Jerusalem continue de se détériorer.

Comme pour le tome précédent, les illustrations sont réalisées par Darick Robertson et Rodney Ramos. le lecteur retrouve donc la baisse de détails dans les dessins, mais cette baisse est moins marquée. Il se trouve encore quelques passages qui manquent de tout décor, et quelques autres passages où les décors sont réduits au strict minimum (par exemple, il est difficile de croire à la zone sinistrée du mémorial). Néanmoins, le niveau global est satisfaisant même s'il n'est pas revenu à celui des premiers tomes. le scénario de Warren Ellis ménage plusieurs scènes sans dialogue qui coulent toutes seules grâce à une mise en page exemplaire. Les 7 pages d'intervention d'un mystérieux commando en plein milieu urbain sont magistrales. Robertson et Ramos retrouvent le coup de crayon incisif qui permet de faire de Spider Jerusalem un personnage irrésistible et détestable quand il mange un hippocampe, quand il vitupère contre un automobiliste, quand il tabasse le pauvre Fred, quand il interroge une prostituée dépendante ou quand il cherche ses mots devant son clavier. Ils font également de Royce Mitchell un individu remarquable. le scénario s'attarde moins sur les aspects d'anticipation de cette société, et du coup le lecteur retrouve juste les éléments qui ont été développés dans les épisodes précédents. Les plus attentifs retrouveront le graffiti demandant la libération de Steve Chung, ainsi qu'une enseigne au nom de Darren Aronovski.

Les images mettent en scène les actions de Spider, Yelena et Shannon, avec quelques moments remarquables, mais avec une densité inventive plus faible. Elles ne font que refléter l'orientation prise par le scénario. Warren Ellis se concentre sur la résolution de son intrigue principale, et il laisse de côté les épisodes entièrement dédiés aux réflexions sociétales de Jerusalem. Toutefois, ce dernier continue à pointer du doigt quelques travers de notre société. Il met en avant les mécanismes de récupération des tragédies (l'assassinat de Vita Severn) par le gouvernement à des fins de communication positive. Il suggère le prix à payer pour l'usage de produits stupéfiants (de manière assez modérée). Ellis enfonce le clou sur la nature violente des rapports existants entre les individus et comment l'usage de la violence physique donne du pouvoir à ses utilisateurs, avec toujours en filigrane les formes et les conséquences des abus de pouvoir.

Pour l'intrigue principale de la série, Ellis fait avancer le combat qui oppose Jerusalem à Callahan. Il insiste à de nombreuses reprises sur le fait que cette fois-ci tous les coups sont permis et que le temps de prendre des gants est révolu. Pour les lecteurs qui ont suivi les aventures de Jerusalem depuis le début, il est patent qu'il a franchi une nouvelle étape dans la radicalisation de ses méthodes d'investigation. Un autre thème sous-jacent est l'impact de Jerusalem sur les gens qui l'entourent. Yelena continue à adopter son langage corporel, et même Shannon recommence à fumer et à mordre le filtre de ses clopes. Enfin, les plans de Callahan commencent à prendre forme et à faire sens pour le lecteur.

Pour ce tome, comme pour les précédents, le lecteur découvre les couvertures réalisées par des pointures des comics, sauf celles des épisodes 49 à 51 qui ont été dessinées par une pointure française : Moebius (aussi connu sous le nom de Jean Giraud). le budget affecté aux couvertures a dû exploser.

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- One more time (épisodes 55 à 60, ainsi que les 2 numéros spéciaux "I hate it here" & "Filth of the city")

Le président des États-Unis a instauré la loi martiale dans la Cité. La prostituée qui a fourni la preuve décisive refuse de suivre Spider Jerusalem pour essayer de gagner un abri. Yelena Rossini et Shannon Yarrow prennent Spider en charge pour l'acheminer jusqu'à un havre sûr. le dernier bras de fer entre Jerusalem et Gary Callahan (le président) a commencé.

Depuis le tome précédent, Warren Ellis a entamé le dernier mouvement de cette série qui s'achève avec ce tome. le scénario continue à être décompressé, et la lecture de ces 6 derniers épisodes s'effectue très rapidement. Il aligne une décision morale difficile, avec une course poursuite, encore un ou deux as dans la manche de Spider Jerusalem, deux abus de pouvoir bien sanglants et un ultime face à face entre Callahan et Jerusalem. le tout se lit plus comme un thriller, que comme une réflexion sur les responsabilités du pouvoir et la tentation d'en abuser. L'épisode 60 clôt la série sous forme d'épilogue qui permet d'apporter un sentiment de clôture satisfaisant.

Darick Robertson et Rodney Ramos réalisent ensemble les illustrations des épisodes 55 à 58. Ils reprennent leur partage du travail de début de série pour les épisodes 59 et 60, avec Robertson qui assure les dessins et Ramos qui réalise les encrages. Globalement la densité des décors est en augmentation, pour revenir au niveau initiale pour les 3 derniers épisodes. La mise en page de la course poursuite assure une grande fluidité et dégage une tension palpable. Robertson et Ramos illustrent également une scène de massacre de foule qui bénéficie également d'une mise en page qui met en valeur l'horreur de cette boucherie qui n'avait rien d'inéluctable. Robertson et Ramos continuent à jouer avec la forme des visages de certains protagonistes pour mettre en évidence qu'ils adoptent des attitudes similaires à celles de Spider Jerusalem. le duo réussit plusieurs scènes mémorables (outre celles déjà citées), telles que la révolte des transients, ou Spider dans son jardin.

Cette série se conclut rapidement par les scènes attendues, avec une amélioration des illustrations, mais un scénario qui reprend des chemins plus classiques.

Ce tome comprend également les 2 numéros spéciaux qui correspondent chacun à 45 pages. Il s'agit en fait de facsimilés des articles de Jerusalem pour "The Word", le quotidien dirigé par Mitchell Royce. Chaque article correspond à un court paragraphe de texte (parfois 2) illustré par une pleine page ou par une double page, à chaque fois réalisée par un artiste différent. Warren Ellis y aborde tout ce qui lui tient à coeur dans un certain désordre pour "I hate it herre", avec une forme de suite logique assez lâche pour "Filth of the city". Parmi les sujets rapidement évoqués par Ellis se trouvent sa haine pour le genre humain en général, la prédominance des mauvaises nouvelles dans les journaux, l'abus de substances psychotropes, l'autorisation légale pour les journalistes de tabasser qui bon leur semble, l'homogénéisation de la culture, la promenade dans les quartiers chauds, la célébrité, l'origine de ses tatouages tribaux, le quartier de son enfance, le futur qui ne ressemble pas au futur des romans de science-fiction, se soulager depuis son balcon, les spécificités des films anglais, etc. Suivant les articles, les considérations d'Ellis oscillent du lieu commun à la pensée pénétrante et pertinente où le lecteur se demande pourquoi il n'a jamais eu l'idée de voir les choses sous cet angle. Il s'agit d'une expérience de lecture assez facile d'accès qui donne l'impression de pouvoir se brancher à la périphérie du cerveau d'Ellis.

Les illustrateurs ont la rude tâche de trouver une vision qui coïncide avec le thème du billet d'humeur. Malgré la pléthore de grands noms, finalement assez peu arrive à se lâcher pour être à la hauteur de l'inventivité de cette série. Juste pour vous faire saliver, parmi ces illustrateurs se trouvent John Cassaday, Bryan Talbot, Tim Bradstreet, Danijel Zezelj, JH Williams, Marcello Frusin, Amanda Conner, Tony Harris, Steve Pugh, Phil Winslade, Jill Thompson, Kevin Maguire, Carla Speed Mcneil, David Lloyd, Liam Sharp, Bill Sienkiewicz (magnifique), Guy Davis, etc.

Finalement, ces 2 épisodes spéciaux mettent surtout en valeur l'inventivité débridée et subversive de Warren Ellis que ces illustrateurs de talent ont du mal à égaler.

Malgré quelques tomes inégaux, cette série fait partie des indispensables à lire car quand elle prend son envol, elle emmène le lecteur là où nul autre n'est jamais allé, avec un point de vue pénétrant et divertissant. Pourvu que le futur ne ressemble pas trop à celui de Transmetropolitan.
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