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Critique de Presence


Ce tome regroupe les 6 épisodes de la minisérie consacrée à Wee Hughie, initialement parue en 2010.

Hughie Campbell (Wee Hughie) a décidé de se ressourcer auprès de ses parents pour digérer sa séparation d'avec Annie January. Il se rend donc à Auchterladle, une petite bourgade portuaire en Écosse. Là il séjourne chez ses parents. Puis il reprend contact, au pub du coin, avec ses 2 amis d'enfance : Horace Bronson (surnommé Det, pour détergent) et Bobby. Il passe une partie de ses journées à réfléchir en regardant la mer. Il fait la connaissance d'un homme d'une cinquantaine d'années qui s'amuse à peindre les paysages et la faune, en particuliers les fulmars. Il se souvient des quelques épisodes de son enfance sortant de l'ordinaire. Il se remémore comment ses potes avaient le don de le mettre hors de lui. Il se souvient de sa tante et sa façon d'être absente, etc. 2 choses vont le tirer de ses réflexions mélancoliques. Tout d'abord Annie January s'est invitée à passer quelques jours à Auchterladle pour parler avec Hughie. Ensuite cette ville sert de point de transit à un trafic de drogue d'un genre un peu spécial : un mélange trois quarts cocaïne, un quart Compound V (la drogue qui permet à quelques chanceux d'acquérir des superpouvoirs).

Il s'agit de la deuxième minisérie développée par Garth Ennis dans le cadre de la narration de The Boys (après Hérogasme). Cette histoire s'intègre complètement dans la série ; elle ne peut en être dissociée, elle ne peut en être soustraite. La première page donne immédiatement le ton : l'histoire sera pour partie composée de souvenirs d'enfance liés à cette région de l'Écosse, et pour partie placée sous le signe de la farce exagérée (le chauffeur du bus qui propose à Hughie de sniffer un rail, avant de s'en envoyer un lui-même et de reprendre sa conduite). Garth est un auteur qui m'étonnera toujours : ici il marie habilement un ton légèrement mélancolique (Hughie revisitant des souvenirs pas tristes) et des moments "Garth Ennis" énormes. Par exemple, j'ai du mal à me remettre de l'apparence de ses 2 potes, du mode de communication du tenancier du pub et du pasteur, du ténia, etc. Ennis se lâche également en ce qui concerne la couleur locale au travers de l'accent écossais très prononcé et des mots de vocabulaire spécifiques à cette région ; il m'a fallu un peu de temps pour m'y habituer.

Passées ces 2 particularités (moments "Ennis" et couleur locale), Ennis surprend ses lecteurs avec un récit nuancé sur le personnage le plus attachant de The Boys. Bien sûr certains épisodes de sa jeunesse dépassent l'entendement, mais la prise de recul constituée par ce retour dans sa famille lui permet voir autrement Billy Butcher et ses compagnons. Ennis en profite également pour aborder d'une nouvelle manière l'amitié entre hommes, et il évoque les relations d'un fils avec ses parents. Annie January évoque sa jeunesse devant Wee Hughie et elle revient sur le prix qu'elle a payé pour devenir membre des Seven. le lecteur redécouvre cette scène choquante du tome 1 avec un nouvel éclairage sur Annie. À la fois Ennis opère sa magie habituelle en montrant que chaque personnage vaut la peine d'être mieux connu, à la fois il opère un retour sur les pratiques de Vought American en exposant des facettes inattendues. Il commence à creuser la notion du prix à payer lorsque l'on commet des actes de violence.

Cette minisérie est illustrée par John McRea et Keith Burns, Darick Robertson n'ayant réalisé que les couvertures. La page de présentation indique que McRea et Burns ont réalisé et les dessins et les encrages sur la base d'un partage qui n'est pas détaillé. Lentement mais sûrement, ce tandem d'illustrateurs sort des dessins juvéniles pour se mettre à la hauteur du scénario. Il reste bien quelques cases qui rompent le charme du récit (en particulier le rendu lisse et vide du visage d'Annie January, plus lisse que le visage de Barbie). Mais globalement le style a évolué vers une vision plus détaillée et plus réaliste des paysages et des décors d'intérieur. En particulier les premières pages consacrées à une déambulation dans Auchterladle évoquent l'atmosphère d'une ville du nord, au bord de la mer. L'intérieur de la maison des parents d'Hughie fleure bon un style vieillot, rarement rafraîchi faute de moyens. L'ambiance du pub local est chaleureuse et donne envie d'y descendre une Guinness. McRea et Burns arrivent même à rendre l'horreur des situations "Ennis", tels les yeux d'une enfant en train de fondre. Ils maîtrisent leur mise en page pour que chaque type de situation (discussions, ou action débridée) bénéficie d'une structure lisible et visuelle (il n'y a pas de plan fixe laborieux lors des discussions, mais une vraie mise en scène jouant avec le décor). Je leur reprocherais encore leur à-peu-près pour les visages et le langage corporel des individus. Ils marient parfois des gestuelles qui jurent l'une à coté de l'autre (les gesticulations ridicules du pasteur par opposition à tous les autres individus). Les traits des visages sont parfois tout juste esquissé d'un coup de crayon hésitant (et ce défaut ne se limite pas à ceux d'Annie January). Enfin certaines morphologies pourraient laisser croire à des malformations tellement l'anatomie est mise à mal.

Ce tome compte parmi les meilleurs de la série malgré ses imperfections (trafic de drogues inclus juste pour mettre un peu d'action, dessins encore parfois maladroits). Ennis met en évidence les caractéristiques psychologiques d'Hughie Campbell qui en devient un individu à part entière, un homme que l'on compterait bien volontiers parmi ses amis. En prime, cette histoire creuse encore les tactiques peu reluisantes de Vought American et elle étoffe le récit global, tout en le faisant avancer.
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