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Critique de Gataparda


Curieuse oeuvre que ce premier roman de Nicolas d'Estienne d'Orves. D'entrée de jeu, on songe irrésistiblement à Maurice Renard, à Jacques Spitz ou aux premiers textes de SF de Barjavel : ambiance franco-française, vision désuète du savant génial, catastrophe cosmique et humour noir. Cependant, il ne s'agit pas là de steampunk (l'intrigue se déroule dans un futur proche), mais de la représentation volontairement surannée et faussement naïve d'un contexte moderne.

La Terre a connu le Bouleversement, moment ultime qui a vu le temps se figer de manière irrémédiable. Un scientifique français, Othon Atanaric Sempronius, avait prévu le cataclysme et il a réussi à en limiter les dégâts… dans notre pays. Doté d'un nom prédestiné, Othon, secondé par Ovidia, sa délicieuse fille, ne tarde pas à devenir président de la République, puis à s'arroger des pouvoirs dictatoriaux pour faire face aux multiples conséquences de la catastrophe temporelle. Mais voici qu'il charge Etienne Bressoud, un jeune nègre littéraire, d'écrire sa biographie. Cet événement a priori anodin marque le début d'une machination bien orchestrée destinée à installer Othon dans un pouvoir politique éternel.

Il est difficile de résumer ce livre. C'est avant tout une oeuvre d'idées, où les situations les plus étonnantes, voire les plus saugrenues, s'entrecroisent dans une joyeuse pagaille pour mieux dépayser le lecteur. On sent que l'auteur a pris beaucoup de plaisir à construire cette dystopie délirante en imaginant les effets inattendus du Bouleversement. On l'aura compris, Nicolas d'Etienne d'Orves n'est pas un adepte de la hard-science. de la fable politique aux paradoxes temporels imbriqués, en passant par les séquences faussement historiques, l'auteur se faufile habilement entre les mailles d'un filet un peu lâche. Il ne se préoccupe ni de vraisemblance, ni même de cohérence interne – ce qui est parfois un peu trop désinvolte. En revanche, ce qui l'intéresse, c'est le jaillissement d'idées foisonnantes, de préférence iconoclastes et lestées d'un humour noir bien grinçant. L'architecture de l'ensemble et la logique de l'intrigue en souffrent parfois, mais on ne peut s'empêcher de succomber à la jubilation d'un second degré si ravageur.

Les passages qui requièrent psychologie et sensibilité sont, par contre, moins réussis. Certaines scènes érotiques ou cruelles, complaisamment développées, demeurent sèches. En effet, si le discours intellectuel distancié est bien adapté au récit d'idées, il est moins judicieux dès qu'il s'agit d'émouvoir. Ce défaut de perspective pèse assez lourdement dans l'économie du récit : on a du mal à s'intéresser aux démêlés sentimentaux et familiaux d'Etienne, car le texte suggère assez peu dans le domaine des sentiments et des émotions. D'une manière générale, la psychologie des personnages pèche par excès de schématisme. C'est dommage. Les relations entre les nouvelles castes imaginées par l'auteur auraient pu fournir matière à des analyses plus approfondies.

Mais ces faiblesses sont atténuées par un style qui, malgré quelques maladresses (et, malheureusement, des erreurs d'orthographe non corrigées par l'éditeur) est brillant, vif et délié, ce qui contribue grandement au plaisir de la lecture.

Au total, Othon ou l'aurore immobile est un roman de science-fiction atypique et à bien des égards réjouissant. Ne boudons pas notre plaisir.
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