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Critique de moertzombreur


« c'est un film unique qui ne ressemble à rien d'autre »
Il accroche par son titre, il explose sous nos regards, calmement, chaque plan démontre une maîtrise technique rare. D'emblée le personnage joué par Léaud nous séduit, par sa verve sans gêne. La durée du film (3h40) dénote une grande indépendance, l'emploi du noir et blanc semble être une provocation de plus. L'utilisation du champ / contre-champ ne laisse rien au hasard et suppose un travail, une réflexion et une connaissance profonde du cinéma. Dès lors les échanges de paroles ne sont plus simplement traités en va-et-vient mais selon une économie du déséquilibre très subtile : la caméra se focalise sur celui qui parle, moins sur celui qui écoute, l'effet d'attente ainsi créer rend d'autant plus sensible la réception des mots.
L'utilisation de la durée permet aussi de long plan fixe et pousse le spectateur hors des limites traditionnelles, mais tout est fait dans la construction de l'ensemble, l'écriture sublime, pour que l'on soit à l'écoute ; et notre attention est en permanence aiguisée. Mis à part les nombreuses qualités de l'image et su son – notamment dans les scènes de café – c'est le travail d'écriture de Jean Eustache qui frappe
le spectateur-lecteur.
La vérité, la pureté et la crudité de ces mots donnent une tension surprenante à l'ensemble du film, un souffle brûlant, de gaieté et de révolte. « le langage est une peau : je frotte mon langage contre l'autre. C'est comme si j'avais des mots en guise de doigts, ou des doigts au bout de mes mots. Mon langage tremble de désir. L'émoi vient d'un double contact : d'une part, toute une activité de discours vient relever discrètement, indirectement, un signifié unique, qui est « je te désire », et le libère, l'alimente, le ramifie, le fait exploser (le
langage jouit de se toucher lui-même) ; d'autre part, j'enroule l'autre dans mes mots, je le caresse, je le frôle, j'entretiens ce frôlage, je me dépense à faire durer le commentaire auquel je soumets le relation » (idem). La densité du jeu des acteurs est marquante, Eustache est une exigence presque surhumaine, et la longueur, la beauté des monologues, nous montre la force d'un « discours » plein de sincérité et d'émotion, et il nous dévoile peu à peu la douleur d'un écorché vif : « J'ai fait ce film parce qu'une femme m'a quitté. Et j'espérais qu'elle
reviendrait », dit Jean Eustache.
La vie se dévoile dans ce film, de manière étonnante. Dans l'économie du discours les femmes prennent donc le dessus, notamment Véronika. On est sous le choc, car on éprouve que trop rarement un tel plaisir au cinéma. Il ouvre sur la vie et sa complexité, et vous donne finalement le vertige. « Parler en dernier, conclure, c'est donner un destin à tout ce qui s'est dit, c'est maîtriser, posséder, dispenser, asséner le sens (…) par le dernier mot, je vais désorganiser, « liquider » l'adversaire, lui infliger une blessure (narcissique)
motelle, je vais l'acculer au silence, le châtrer de toute parole » (Barthes encore)
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