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Critique de 4bis


Ce roman - mais est-ce seulement un roman ? - est magistral. On peut être un peu décontenancé au départ par l'absence de ponctuation. Un peu perdu aussi à chercher des péripéties ou un seul fil conducteur. Et puis on se laisse emporter.

Amma, anglaise, théâtreuse, la cinquantaine, lesbienne, noire, provocatrice et superbe, a monté sa dernière pièce dont la première se déroule dans un cadre prestigieux à Londres. Autour de cet événement se rassemblent des personnages hétéroclites qui ont un lien plus ou moins direct avec Amma, avec le milieu culturel du théâtre, avec les communautés lesbiennes, noires, féministes.

Il y a la fille d'Amma, Yazz, qu'elle a eue avec un grand ami intello homosexuel, ses grandes copines de jeunesse Dominique, Shirley, ses maitresses actuelles. Il y a Carole, Pénélope, Grace, Hattie, Lennox, Kenny, Bummi, La Tisha, Megan qui était Morgan, Bibi, Slim, des dizaines d'autres sans doute… et autant de portraits, d'histoires qui disent à la fois la destinée commune de n'être jamais accepté et la singularité de parcours qui ne sont jamais donnés pour être emblématiques. Car, pour la plupart, ces personnages sont noirs, ou métis. Arrivés récemment au Royaume Uni ou pas. A l'intersection de cette caractéristique, ils sont majoritairement femmes. Et subissent les violences symboliques ou physiques qu'entraine ce sexe. Ils sont quelques-uns à venir de quartiers populaires, à lutter pour récupérer le capital culturel qui leur faisait défaut en naissant là. Nés aux Antilles ou à la Barbade, en Ecosse de parents noirs, expatriés en Amérique ou en venant tout juste… Mais ils sont aussi propriétaire terrier, entrepreneur, érudit, directeur de banque… Bref, ça foisonne et rien ne semble pouvoir contenir le flot puissant de ces volontés, de ces identités qui ne se réduisent jamais aux assignations que l'on plaque sur elles.

Sans la focale d'un personnage principal sagement identifié, sans le recours à des péripéties bien calibrées, sans unité spatio-temporelle, il fallait une sacrée armature à ce roman pour que, de force majestueuse, il ne se transforme pas en chaos illisible. Et l'armature, elle est là. le travail de fond est colossal. L'enchaînement des chapitres ne souffre quasi aucune longueur. Les personnages sont discrètement reliés les uns aux autres. Pas à tous, c'aurait été détruire l'illusion d'une exhaustive représentation de ces voix multiples, mais selon deux ou trois nébuleuses qui cadrent l'attention du lecteur.

Et puis surtout, il y a une énergie, une dérision, un humour qui traversent le livre et l'unifient mieux que tout. Fille, femme, autre, c'est un rire, rauque et profond, c'est le triomphe des paroles qu'aucun barrage n'arrête, qui proclament sa propre puissance à être, magistralement.
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