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Critique de UnKaPart


Falvo est un auteur de marque, normal vu son prénom. Avec le Cri, il signe son roman le plus étrange, ce qui n'est pas peu dire dans son cas.

Le Cri, c'est l'histoire de Paul qui vient d'emménager dans un nouvel appartement et qui y découvre lors d'une nuit d'insomnie un texte caché. A partir de là, la réalité – en tout cas la sienne – bascule.
Quelques noms s'imposent d'emblée comme David Lynch, Philip K. Dick, Stephen King et Graham Masterton. Pas de mérite à les relever, le premier apparaît en quatrième, le second dans les citations en exergue et les deux suivants au début du roman.
Le Cri participe du même esprit de rupture avec le réel que les quatre gonziers. Rupture qui définit le fantastique (King, Masterton) ou la folie (Lynch). Dick aka Jo le Parano, s'il est estampillé SF, s'en sert comme prétexte à un questionnement sur la réalité et sa perception.
Sur péloche, tu penses à L'antre de la folie, le nombre 23, le Machiniste, D'origine inconnue… Et tu reviens à Lynch. le Cri est un cousin de Lost Highway, sauf qu'au lieu de grenouiller sur l'autoroute, on s'offre un huis clos. Lost Appart, si tu veux.

Paul, personnage sur le fil. Une vie pas dégueu : bel appart, une copine, du pognon qui tombe tous les mois grâce au chomedu… Y a mieux mais y a pire. En même temps, le mec n'est jamais à l'aise. Ni dans son couple, ni dans ses relations aux autres (amis, voisins), ni dans le rapport qu'il entretient avec ses ambitions, ses échecs, ses velléités de ceci ou de cela. Décalé par rapport au monde et démissionnaire de la course à la vie “normale”, un type qui se laisse vivre, qui pourrait mais non.
Sur pas mal de points, Paul préfigure le personnage anonyme de D'occase. Ils ont une base commune de Champion (sic) éternel au sein du Multivers Falvo. Je me suis dit que si Paul avait concrétisé ses aspirations littéraires au lieu de quitter sa maisonnette, il serait devenu le gus de D'occase.

Sur le fil aussi, l'ambiance, qui laisse le choix entre deux interprétations : fantastique ou folie. Un des points les plus intéressants du bouquin… et sur lequel je ne vais rien dire du tout alors que ce n'est pas l'envie qui manque. Mais si j'analyse, je spoile.
Tu peux partir sur une explication surnaturelle, ce ne sont pas les démons et baraques hantées qui manquent en littérature. Tu peux préférer une version plus rationnelle où Paul, rongé par l'ennui, la culpabilité et la fatigue du néant, pèterait des plombs qui ont pour nom stress post-traumatique, dépression, insomnies, hallucinations et trouble dissociatif de l'identité. La vraie vie de l'IRL et les pages de faits divers sont pleines de types dans son genre.
Une des grandes forces de ce roman tient dans sa capacité à jouer sur les deux tableaux. Comme le Horla de Maupassant, fantastique… ou pas. A l'origine, Guyguy écrit Lettres d'un fou et à l'arrivée, tu peux prendre le Horla comme une histoire de fantôme ou celle d'un type qui perd la boule.

De là, le Cri tient autant du thriller fantastique que du thriller psychologique. Même le caser en roman est limite. La forme elle-même se tient sur le fil comme le reste. D'autres textes s'enchâssent, nouvelles, coupures de presse, journal intime, scripts… Un méli-mélo qui n'a de foutraque que l'apparence. Si Falvo n'a pas inventé le concept, il en use avec maîtrise. Et il a raison : pourquoi se limiter à une seule forme ?
Et de continuer à jouer la déconstruction du roman en tripatouillant les trames temporelle et narratives (la vie de Paul, le point de vue de sa copine Samantha, les nouvelles qui te sortent du roman pour mieux t'y replonger, les sauts dans le futur par rapport au fil Paul…).
Roman-recueil-de-nouvelles, récit de folie ou fantastique, thriller psychologique, huis clos, terreur, une pointe de polar même quand Paul mène son “enquête” sur l'ancien locataire de son appart et sur l'auteur des textes qu'il découvre. Apéro, entrée, plats, dessert et café au menu.

Un Cri pas avare de garniture mais pas indigeste pour autant. Beau travail de funambule que ce livre de l'étrange qui joue sur le décalage, le crépusculaire. Un récit de l'entre-deux mais pas de l'à peu près. Parce que le risque, avec ce genre d'entreprise, c'est de perdre son fil ou son lecteur dans le nébuleux ou l'incompréhensible. A jouer les équilibristes, parfois on se casse la gueule au fin fond des abysses.
Falvo, et là je dis chapeau bas l'artiste, te garde en éveil comme l'insomnie la plus carabinée que tu puisses imaginer. La jauge “intriguant” reste bloquée au maximum du début à la fin : tu as envie de savoir. Et mine de rien, tes réflexions foisonnent à l'unisson du récit. Tu te demandes ce qui va arriver/est arrivé à Paul… Il perd la boule ? il est possédé ?… Les textes dans le texte ? Fiction ? réalité ? Qui les a écrits et pourquoi ?… Tu échafaudes des hypothèses, tu reviens dessus pour les étoffer, biffer, corriger, tu essaies de deviner la suite. En clair, ton cheminement de pensée est aussi bouillonnant que la trame du bouquin. Ça part dans tous les sens mais avec une certaine logique d'ensemble, ou disons un cadre élastique qui évite de partir n'importe comment.

Si tu aimes les films ou bouquins cités en début de chronique, tu accrocheras au Cri. Si tu es fan de Lynch, je ne prends aucun risque en prédisant que tu vas adorer. Les autres… Si tu préfères les récits linéaires… hum… peut-être que ce ne sera pas ta tasse de thé… ou peut-être que si. Comme occasion de sortir de ta zone de confort, ce roman se pose en cas d'école. Tente le coup, tu n'as pas grand-chose à perdre (à part un peu de santé mentale).
Lien : https://unkapart.fr/le-cri-m..
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