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Critique de Alfaric


Philip José Farmer est un auteur SFFF qui a eu une très longue carrière s'étalant de 1946 à 2008 (voir au-delà car il est tellement culte que certains auteurs ont poursuivi après sa mort certains de ses projets !) : il a ainsi côtoyé le Sword & Planet, l'Âge d'Or, la New Wave, le Cyberpunk, la Hard Science et le New Space Opera. Alors certes il est l'homme qui dévergonda la Science-Fiction en développant dans sa nouvelle intitulée "Les Amants étrangers" une relation amoureuse et sexuelle inter-espèces qui dans l'Amérique raciste et puritaine du début des années 1960 défraya la chronique : anticlérical déclaré et très ouvert sur les questions sociétales pour ne pas dire de moeurs, il a ainsi souvent fait polémique (on ne va pas se mentir ses scènes de cul sont aujourd'hui très pudiques comparées au règne actuel de la pornocratie qui semble ne plus offusquer personne). Mais il est aussi et sans doute surtout un pionner de la SF qui il a longtemps fait le lien entre ses différentes époques... toutefois il n'a jamais renié ses amours premiers : c'est un grand amateur de pulps et un fanboy absolu du personnage de Tarzan, donc c'est tout naturellement qu'en amoureux de la pure aventure il emprunte bon nombre de ses jouets à Edgar Rice Burroughs ^^
"Thoan" appelé aussi "La Saga des Hommes-dieux" en VF et "World of Tiers" en VO est le cycle qui lui a permis de conquérir le public, à juste titre tant ses innovations sont nombreuses, géniales et en avance sur leur temps... Il y a un côté purement SF avec les Seigneurs, démiurges dont les technologies leur permettent de s'affranchir des lois de la physiques et de manipuler les lois du vivant pour créer des univers de poche, se déplacer de l'un à l'autre selon leur gré, et les peupler de flores, de faunes et de peuples façonnés selon leurs caprices. Mais il y a aussi un côté très humain avec des immortels capables de réaliser tous leurs désirs d'un claquement de doigt mais qui ne savent plus quoi faire du temps qui leur a été alloué artificiellement (la fameuse malédiction de l'éternité). Ils prennent de haut les humains qu'ils ont créés à leur image et qu'ils traitent comme des esclaves et/ou des animaux alors qu'eux-mêmes ont dû voler leur place au peuple des Khruuz et qu'ils bien manqué de perdre la leur face aux Cloches Noires (d'ailleurs leur civilisation ne s'est jamais vraiment remise de cette guerre qui décima presque complètement leurs scientifiques et leurs ingénieurs). Il pioche ainsi dans la mythologie fabriquée de toutes pièces par William Blake pour nous raconter le destin plein de passion et de haine de titanides et d'olympiens qui possède tout ce qu'ils veulent, mais qui ont besoin du frisson du danger pour se sentir exister et qui donc se combattent les uns les autres avant de se retourner contre leurs propres familles pour trouver des adversaires à leur mesure. Une fois de plus nous pouvons sereinement déclarer que science sans conscience n'est que ruine de l'âme !
Ce cycle est assez générationnel car quelles que soient ses qualités, comme ses escape games géniaux qui annoncent avant l'heure l'âge des jeux vidéos, il est peu coincé dans un entre-deux :
- il plonge ses racines dans un imaginaire pulpien qui aujourd'hui a quand même peu ou prou vieilli
- tout ce qu'il brillamment inventé a été entièrement repris par Roger Zelazny dans ses écrits (Corwin / Jadawin c'est les deux mêmes de A à Z ainsi que leurs familles respectives ^^), et entièrement repompé par les auteurs de la saga "Stargate". le premier frôle la frontière du plagiat mais il s'est entièrement assumé en fanboy absolu de Philip José Farmer dont il reprend toutes les thématiques pour les approfondir, et les deuxièmes franchissent allègrement la frontière du plagiat et ne s'assument aucunement en déclarant que tout cela n'est que pure coïncidence (il fait oser tant sont nombreuses les fois où il faut plisser les yeux pour voir ce qui distingue la copie de l'original)
Il y a forcément des répétitions et des limitations sans parler du fait que la saga dont la rédaction s'est étendue sur 30 ans (sans parler des traductions à 10 mains !), mais je m'interroge sur les techniques d'écritures d'une certain époque car je retrouve un peu chez Philip José Farmer les mêmes défauts que chez Jack Vance et d'autres auteurs contemporains : la nostalgie du pulp, la tentation du picaresque, le worlbuilding plus important que la caractérisation, la mise en place plus travaillée que le dénouement précipité voire bâclé... Et Robert Wolff et Chryséis disparaissent à la fin du tome 2 pour ne plus jamais réapparaître bien qu'ils sont mentionnés à chacun des tomes suivants : on sent quand même un peu l'auteur qui déballent tous ses jouets au risque de se lasser de la plupart d'entre eux ^^


Dans ce tome 1 intitulé "Les Faiseurs d'univers", tout commence avec Robert Wolff universitaire spécialiste en langues anciennes qui ayant atteint l'âge de la retraite se demande s'il n'a pas raté sa vie... Il ne peut même pas regretter sa jeunesse puisque retrouvé errant et amnésique des années auparavant il ne possède aucun souvenir antérieur à ses 20 ans. Et il se demande s'il n'est pas atteint de démence sénile avec ses hallucinations qui le frappent de plus en plus souvent : le jour où un guerrier aux cheveux roux équipé d'une trompe lui tend la main, il franchit la porte entre les mondes pour découvrir un autre monde !
Nous sommes dans la Portal Fantasy, donc si vous êtes ALLERGIQUES AUX SPOILERS surtout NE LISEZ PAS AU-DELA... Robert Wolff découvre les Mondes de Tiers, un univers de poche à étages de 80 kilomètres inspiré de la Tour de Babel : nous avons un étage mythologique aux eaux bourrées de réjuvénants et de contraceptifs, nous avons un étage préhistorique où Amérindiens et Centaures affrontent la faune mammifère du Pléistocène, nous avons un étage médiéval partagé entre Teutons et Yiddish qui font la part belle au cape et épée, et nous avons un étage Science-Fantasy directement inspiré de tous les mythes de l'Atlantique (alors oui il manque l'étage antique, et c'est d'autant plus dommage qu'en passant de l'étage préhistorique à l'étage médiéval on traverse des contrées qui rappellent furieusement l'Orient Antique). le narrateur piégé en bas d'un monde à étages doit d'abord s'adapter à une société bloquée à l'âge con de l'adolescence où on se perd en commérages, en psychotages, en jérémiades amoureuses, en rodomontades sexuelles et en défis stupides (donc toutes les tares d'une émission de télé réalité ^^)… Pourtant il se lie à Chryséis, ancienne amante du Seigneur Jadawin enlevée aux Achéens de la Guerre de Troie et transformée en ménade pour correspondre à ses désirs, et quand celle-ci est enlevée par d'étranges créatures il n'hésite aucunement à se lancer à leur poursuite avant de retrouver Kickaha l'homme roux de ses visions (alias Paul Janus Finnegan le Gary Stu de Philip José Farmer ^^) et de rencontrer Podarge ancienne ennemie de Jadawin elle aussi arrachée à la Grèce de l'Âge du Bronze et transformée en harpie pour l'amusement celui qu'elle a courroucé. L'ennemi de mon ennemi est-il mon ami ?
Alors Robert Wolff (qui trace sa route en ligne droite) et Kickaha (qui va et vient en prenant divers chemin de travers) gravissant les différents étages des Mondes de Tiers pour sauver Chryséis des griffes du seigneurs des lieux, c'est carrément Mario et Luigi franchissant divers niveaux pour vaincre le boss de fin Bowser et délivrer la princesse Peach. Nous sommes en 1965 et l'industrie du jeu vidéo n'existe pas encore, donc c'est complètement hallucinant de voir le nombre de passages qu'on croirait tous sortis d'un jeu vidéo (c'est à croire que l'auteur a largement inspiré les programmateurs). Néanmoins l'auteur connaît ses classiques et il use de tous les trucs et astuces des récits pulpiens : l'étage mythologique emprunte à l'utopie et à la dystopie, l'étage préhistorique prend la forme d'un western à l'âge de pierre, et après un intermède peplum on est en plein cape et épée avec les détournements d'"Ivanhoé" et du "Prisonnier de Zenda", avant de passer de "Tarzan" à "Flash Gordon" dans les derniers niveaux...

L'étrange magie de l'autre monde permet à Robert Wolff de retrouver sa jeunesse : il redevient ce qu'il a été, mais qui était-il vraiment ? Plus on progresse vers le somment plus on se doute que le maître des Mondes de Tiers n'est plus le Seigneur Jadawin. Robert Wolff et Kickaha se soupçonne donc l'un l'autre d'être le véritable Jadawin alors qu'ils se rendent compte qu'ils sont loin d'être les seuls à vouloir son trône et se débarrasser de celui qui est assis dessus... ça psychote bien hein ^^
Malheureusement voyons voir ce qui m'a empêché de lâcher les étoiles ?
- les idées géniales pas assez exploitées
- la caractérisation des personnages principaux pas assez optimisée (argh, la narration s'éloigne de Robert Wolff juste au moment où il en apprend assez pour basculer !)
- les personnages secondaires qu'on met en avant puis qu'on fait crever salement, car ici la manière dont est gérée le paladin juif Funem Laksfalk c'est à la limite du scandale (syndrome Jack Vance ?)
- défaut inhérent à chaque tome de la saga, le flou artistique menant au dénouement (syndrome deus ex machina ?)
- la grande bataille finale qui est narrée froidement à la manière d'une chronique, alors que niveau epicness to the max il y avait moyen de faire un truc de ouf !
Lien : http://david-gemmell.frbb.ne..
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