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Critique de djdri25


Un grand merci à Babelio ainsi qu'aux éditions du Seuil de m'avoir permis la lecture de cet essai sur l'histoire de l'invention de l'écriture.

Le titre,La fabuleuse histoire de l'invention de l'écriture, résume bien le livre mais Silvia Ferrara, professeure de philosophie et chercheuse à Bologne, émet des hypothèses nouvelles, le livre est agréablement parsemé d'illustrations des propos de l'auteure sur l'invention de l'écriture.

L'auteure fait partie du projet INSCRIBE dont voici les explications :

« Nous nous appliquons à reconstituer cette invention en nous fondant sur une méthode d'analyse qui recourt à diverses disciplines : la linguistique, l'archéologie, l'anthropologie, la perception visuelle, les études cognitives, les humanités numériques. Un des objectifs est de comprendre combien de fois l'écriture a été inventée dans l'histoire du monde, puisque le nombre précis de ces inventions n'a pas encore été établi avec certitude…Nous testons aussi des stratégies de déchiffrage sur les écritures. »

Dans un premier temps Silvia Ferrara fait l'hypothèse de l'existence d'une similitude entre les choses qui nous entourent, les formes de celles-ci, leur contour et la forme des lettres des écritures.
Pour elle nous sommes des êtres qui avons système visuel fortement développé nous permettant de capter les choses et de les retranscrire, les représenter pour les fixer, les objets étant plus permanents que les idées.
L'auteure et son groupe se démarquent des théories de Ferdinand de Saussure pour qui il n'existe aucun lien entre le signifiant (l'objet) et le signifié (le sens, la dénomination de la chose) chez ce dernier, le concept est beaucoup plus abstrait que celui de l'auteure qui au contraire part du principe d'un lien entre la matérialité manifeste des objets qui se concrétise dans l'écriture, les mots. Pour elle, les icônes, les symboles les dessins pour déchiffrer le monde, pour communiquer, laisser une trace préexistent à l'invention de l'écriture plus linéaire que nous connaissons aujourd'hui.

Les icônes, les dessins, les symboles sont d'abord des traces puis ont été exploitées par la bureaucratie, le commerce, la gestion des affaires. Selon les hypothèses de l'auteure, on en trouverait des traces d'abord en Crète, on y trouverait des traces de hiéroglyphes côtoyant un système de signes linéaires qui aurait prédominé ultérieurement jusqu'à nos jours, l'invention des écritures syllabiques remonterait à plus de 5000 ans. A Chypre, les inscriptions sur les beaux objets, vases, bijoux seraient indicateurs de propriété. Ces écritures restent à ce jour indéchiffrées contrairement aux hiéroglyphes égyptiens.
La question posée par les fragments d'écriture trouvés sur l'île de Pâques est : comment une forme d'écriture a-t-elle pu être inventée dans un lieu aussi isolé, aussi aride, coupé du reste du monde, sans influence extérieure ou antérieure, ceci est-il possible ?

Pour L'auteure, l'écriture est d'abord une trace faite pour perdurer dans le temps, elle tient ses origines dans des éléments imagés les icônes, les dessins, les symboles qui deviennent signes, parallèlement existent des systèmes linéaires anciens qui perdurent dans le temps à condition qu'il y ait un fort consensus, une harmonie de groupe, un code commun qui se répète dans le temps et qui se diffuse largement, c'est ce qui fait le succès d'une invention. Bien que le système linéaire domine actuellement en Occident, l'iconicité de l'écriture revient sur le tapis ; l'utilisation actuelle et fréquente des icônes sur le web tendent à rendre les hypothèses de l'utilisation d'une écriture iconique plausibles parallèlement à l'écriture linéaire, selon l'auteure, nous avons toujours besoin des images.

Après les écritures iconiques anciennes indéchiffrées de Crète (le crétois hiéroglyphiques), Chypre (le chypro-minoen) et l'île de Pâques (le rongorongo) ,Silvia Ferrara évoquent les autres écritures iconiques anciennes, inventées de manière autonome sans influence extérieure, elles sont au nombre de quatre, c'est l'exemple de l'Égypte, le Chine, La Mésopotamie (Irak) et le Mexique (l'écriture Maya). Ceci s'oppose donc à l'idée de la mono genèse de l'écriture (une seule écriture inventée, en un seul lieu). On apprend également qu'il existait une écriture égyptienne encore plus ancienne, prédynastique avant les hiéroglyphes entre autres.

Elle évoque plus loin des expériences isolées d'écriture incluant l'alphabet latin en réinventant une écriture, un alphabet, (c'est l'exemple d'Hildegarde Bingen au moyen âge, d'un analphabète cherokee, pour ce dernier l'écriture donne le pouvoir, au Vietnam c'est celui qui apporte la lumière.) et d'autres écritures tombées dans l'oubli dont certaines (Incas) sont composées de noeuds à déchiffrer, c'est dire la variété des écritures que nous propose l'auteure.

L'écriture du livre est dense, documentée certes mais les idées sur l'invention de l'écriture sont vues sous l'angle spécifique de l'auteure. le ton humoristique du texte, Les mythes et les anecdotes évoqués que nous connaissons tous (le minotaure, Héphaïstos) les voyages dans le temps et dans l'espace que nous fait faire l'auteure (la Crète, Chypre, l'île de Pâques, l'Égypte ancienne, la Chine, la Mésopotamie et bien d'autres contrées lointaines ) par l'évocation des différentes parties du monde où sont trouvées des traces des écritures anciennes et indéchiffrées, inventées et décodées et sur lesquelles portent les études des chercheurs du projet INSCRIBE agrémentent toutefois le texte pour le rendre accessible au grand public.

Les fables, les éléments fictifs, les descriptions d'îles idylliques contrebalançant ainsi les éléments parfois trop techniques dans certains passages.

Les hypothèses sont plausibles, séduisantes, un peu trop emphatiques en début de livre mais des bonnes pistes ensuite qui restent à démontrer, c'est ce que s'efforce de faire l'auteure avec son groupe de recherche travaillant sur les inventions de l'écriture et le nombre de fois où elle a été inventée, Silvia Ferrara est passionnée par le déchiffrage des écritures anciennes et inconnues, en fin de livre elle nous livre les avancées des travaux de recherche sur les écritures.

Le livre est ouvert au grand public, il est très intéressant et instructif et a le mérite de nous interroger sur l'origine, le devenir de l'écriture et de porter à notre connaissance d'autres types d'écriture que nous connaissons peu tout autour du monde et de l'histoire.

La voix et la subjectivité de la chercheuse est présente tout au long du livre, elle le revendique, personnellement, le livre se distingue des exposés purement scientifiques. L'essai mêle donc parfois l'aspect documentaire et la fiction.

J'aime assez l'idée de recherche sur l'écriture inventée en plusieurs endroits et plusieurs fois dans l'histoire de l'humanité et la recherche d'autres formes d'écritures existantes, ailleurs, non encore déchiffrées qui pourraient nous donner des informations sur d'autres civilisations, d'autres histoires de l'humanité comme Champollion l'a fait pour les hiéroglyphes égyptiens, par exemple, mais seul l'avenir le dira.

Bien qu'intéressant quelque chose m'a gênée durant ma lecture, notamment la façon dont il était structuré, la trop grande présence subjective de l'auteure et d'autres choses que je ne peux dévoiler, j'ai eu ma réponse dans le post-scriptum…

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