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Critique de Ys


Ys
08 juillet 2018
Julie et André Maynotte forment sans doute le couple le plus charmant de la bonne ville de Caen. Elle, belle comme un ange, la prestance d'une reine, fait tourner bien des têtes mais n'aime que son époux. Lui, artisan talentueux, rêve de fortune pour rendre à son épouse le rang qui lui revient. C'est qu'ils ont un passé plein d'aventures et de mystères, ces deux-là, et si vous trouvez ce préambule un peu gnan-gnan, ne vous inquiétez pas, ce charmant tableau de bonheur conjugal n'est pas fait pour durer.
Dans l'ombre, une sinistre machination se prépare, impliquant un jeune Alsacien miséreux, un coffre fort piégé, un gantelet d'acier et un alibi cuisiné avec soin. Dans l'ombre, derrière la figure un peu louche du pétulant M. Lecoq, se profile la silhouette inquiétante des Habits Noirs, cette association de malfaiteurs qui fait tant murmurer, tant frissonner, qui sait si bien fasciner, des maquis de Corse aux clubs londoniens, des bas-fonds de Paris aux sommets du grand monde. On en parle beaucoup... mais qu'en sait-on, au juste ? Pas grand chose. Car leur grande spécialité est de fournir aimablement à la justice, pour chaque méfait commis, un coupable idéal - et la justice, satisfaite, n'en demande jamais plus.
Ils pourraient continuer longtemps ainsi. Seulement, ce brave André Maynotte... est corse, justement. Et un Corse à qui on a volé d'un coup son honneur et son épouse adorée, ça se venge. Ils feraient mieux de se méfier, les Habits Noirs !

Bon. Disons-le d'emblée, elle sent sacrément la resucée du Comte de Monte Cristo et du Bossu, cette histoire de vengeance. En beaucoup moins enthousiasmant. André Maynotte n'arrive pas plus à la cheville de Lagardère côté panache qu'à celle d'Edmond Dantès côté ambiguïté.Les gentils sont tout ce qu'il y a de plus mièvre et convenu, le grand méchant fait le mal avec un enthousiasme contagieux, mais il lui manque un petit quelque chose pour acquérir une réelle envergure. A vrai dire, les deux seuls personnages qui m'aient intéressée, Fanchette et le colonel, ont un rôle beaucoup trop accessoire pour ne pas être frustrant.
Tout n'est pas mauvais, pourtant, loin de là. L'idée même des Habits Noirs est excellente, plus originale que le reste et d'un fort potentiel romanesque. Féval décrit les bas-fonds avec une truculence délicieuse et toute sa galerie de personnages secondaires, truands, mendiants, filles de mauvaise vie, mais aussi petits bourgeois, employés, littérateurs, semble droit sorti d'un recueil de Gavarni. Dès qu'il cesse de vouloir être digne et pathétique, il devient mordant, coloré, drôle - et le plus savoureux est peut-être la manière qu'il a de jouer avec son propre récit, pointant désinvoltement du doigt la narration, s'amusant à mettre en perspective les rapports entre vérité et fiction à travers une pièce de théâtre inventée par les témoins du drame, qui révèle les dessous de l'affaire sans en avoir seulement conscience.
Quelque part, on a un peu l'impression qu'il s'emmerde à écrire des fadaises pour payer le loyer et s'amuse comme il peut au détriment de son propre roman. A défaut d'être toujours très convaincant, le résultat est au moins très distrayant !
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