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Critique de fulmar


« Dette er en vise om en stakkars mann
som var sa uheldig som det kan ga an.
Syns du denne visa kanskje er litt trist
sa kan du troste deg med det
at alt gikk bra til sist ».

C'est page 200, mais ça met tout de suite dans l'ambiance, non ?
Le pouvoir des mots, la sonorité à la fois rugueuse et mélancolique. Et encore, il manque les signes ostentatoires scandinaves que je n'ai pas sur mon clavier.
Chanson de Thorbjorn Egner, allez, je ne vous écris que les mots clé, ça devrait suffire.
Pauvre homme, être malchanceux, déveine inouïe, chanson triste, bien finir, s'en consoler.

Et ce titre, a-t-elle lu Baudelaire, Helga Flatland ?

« Amour… gloire… bonheur ! » Enfer ! c'est un écueil ! (…)
Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste.
Pars, s'il le faut. »

Oui, le titre m'a appelé, mais aussi les couleurs de la couverture, douces, le soleil au ras de l'horizon, six mois de nuit, au moral c'est sûr ça nuit, et la neige qui donne de la lumière, mais aussi du froid, du noir je broie.

Je m'étais dit, chouette, de beaux paysages, tranquille sous ma couette, avec juste un corps sage. Et la chronique de « mesrives », onirique, ça dérive.
C'est décidé, je l'offre à ma fille, elle a fait option norvégien au lycée, et puis c'est rempli de mots de cette langue, qui plus est en dialecte, je la sens qui se délecte.
Elle m'a dit, j'ai aimé, c'est triste mais beau.

« Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre »

Voilà Baudelaire et ses vers qui revient, la beauté cachée, pierre, c'est caillou, c'est plus triste que beau, à tous les coups, ça rime avec lierre, ça envahit, qu'est-ce qui se cache derrière ?
Il était sur l'étagère, visible, et là j'erre, coeur de cible...
J'attendais les fjords, l'immensité des descriptions, j'ai eu droit à du récit et des dialogues, alors déception, images rétrécies, point de catalogue.
Mais non, introspection, quelle claque pour un premier roman, je suis en vrac, et pour un moment !
Ils sont quatre, qui à tour de rôle, vont faire avancer l'histoire, entre blanc et noir. Point de grisaille, juste une faille, secrets, deuils, regrets, écueils.
Helga, hé l'gars, oui, elle écrit sur des hommes, ça désarçonne.
Flatland, elle le flatte son pays, il n'est pas plat, y a des aspérités.
A ma dernière lecture, j'avais valsé, là aussi j'ai tourbillonné. Un drôle de mélange, bonheur et douleur, les nerfs en pelote, glacées les menottes.

« Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille ».

Charles ne me lâche plus, je suis en recueillement.

« If you're looking for assistance, babe
Or if you just want some company
Or if you just want a friend you can talk to,
Honey, come and see about me ».

Elle cite Bob, dans le texte, je la gobe, sans complexe.
J'ai aimé sa compagnie, envie d'être son ami.
Je l'ai lue, jusqu'au bout, je suis venu, j'ai t'nu l'coup.

C'est un livre qui se livre. Il raconte à quatre voix la vie tranquille d'un petit village norvégien. Tour à tour narré du point de vue d'un garçon particulier, d'un père démuni face à la souffrance de son fils, d'une mère endeuillée et d'un jeune soldat gay, ce roman introspectif est poignant et déchirant. Il révèle avec sensibilité la force des liens familiaux, amoureux et amicaux, la force de ceux qui restent, et aussi le poids trop lourd des secrets qui rendent honteux.
Non-dits, hermétisme, drame, traumatisme, résilience.
S'enterrer dans un trou, « reste si tu peux », ou fuir au bout du monde au risque d'y rencontrer la mort, « pars s'il le faut ».
Pas envie de vous divulgâcher l'histoire, juste celle de vous inciter à la lire.
Des mots pour mettre en appétit.
Ferme, chasse, tir, coupable, fuite, Afghanistan, mine, mort, mutisme, dépression, différence, révélation.
Les quatre personnages narrent une période différente, du passé vers le présent, sorte d'histoire à l'envers qui commencerait par l'épilogue. Ce qui rend les témoignages encore plus saisissants.
Le cheminement laisse apparaître les fêlures de chacun. Là ou ailleurs, c'est toujours le sol, majeur, qui transparaît.
Que ce soit en « bokmal » ou en « nynorsk », les deux types de langage renvoient aux différences d'appréciation suivant les âges ou les cultures des protagonistes. Un grand moment de lecture.

« The sun will always shine
It's tearing up my mind »

Le saxo de Dylan qui tempête dans ma tête, Robert, tu m'exaspères…
Le soleil brille toujours, il me déchire l'âme.

« Il fait si chaud il fait si chaud il fait si chaud »
Au dehors.
« Il fait si froid il fait si froid il fait si froid »
Dans mon corps.

Et inversement.

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