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Critique de Foxfire


Je n'avais jamais lu "Madame Bovary". Et je remercie mes professeurs pour ne l'avoir jamais inclus dans leurs programmes. Cela m'aurait enlevé la satisfaction de le lire adulte. Il me semble que ce roman n'est pas vraiment adapté à un public adolescent qui manque encore d'une certaine maturité et d'une certaine expérience qui permettent de mieux appréhender sa richesse.

Que dire après plus de 300 critiques qui ont sans doute dit tout ce qu'il y avait à dire ? Peut-être tout simplement livrer mon ressenti face à ce monument de la littérature française.

J'ai été subjuguée par la finesse dans la caractérisation des personnages. Chacun bénéficie d'un portrait psychologique fouillé. Tout particulièrement l'héroïne bien sûr. Rarement un personnage n'aura eu autant d'épaisseur, de relief, rarement un personnage n'aura dégagé autant de véracité. Emma Bovary est là, elle vit, existe réellement dans toute sa complexité.

Le récit est empreint d'une grande tristesse. La dépression de l'héroïne est parfaitement dépeinte. Car c'est bien de cette maladie dont souffre Emma. Eternelle insatisfaite, éternelle amoureuse, elle se jette à coeur perdu dans la vanité des possessions matérielles (les jolies robes, les beaux meubles...) et dans les plaisirs charnels de l'adultère. Superficielle, diront certains. C'est vrai. Mais pas seulement. Je vois surtout une femme en souffrance qui se cherche des raisons d'exister, qui se cherche une place, que ce soit en dépensant à tort et à travers ou bien en s'abandonnant aux bras d'un homme.
Mais pourquoi Emma Bovary est-elle donc si malheureuse ? Elle rêve de plus que la vie simple qui lui est promise. Elle rêve d'autre chose que d'une vie rangée de mère de famille. Dans cette façon de rejeter cette existence classique, dans sa façon de regretter de ne pas être un homme pour qui la vie est plus facile, Madame Bovary est très moderne.

Mais Flaubert ne se montre pas particulièrement indulgent envers son héroïne au prétexte qu'elle souffre. Certes, elle est malheureuse. Mais elle assez pathétique dans sa course effrénée à la dépense, dans son obsession de se hisser à un rang supérieur à travers les apparences. Pathétique aussi de croire aux belles paroles de ses amants qui ne valent pas grand chose. Et elle n'a de cesse de se morfondre sur elle-même. Inconséquente, naïve, égoïste, orgueilleuse, odieuse parfois... le portrait n'est guère flatteur. Et si on entend sa souffrance, elle ne nous pousse pas à l'empathie pour autant. Empathie qu'on ne ressent envers aucun personnage d'ailleurs. Flaubert tire à vue sur tout le monde. L'Humain ne ressort pas grandi de ce portrait social au vitriol. Que ce soit un horrible usurier, un pharmacien arrogant, un mari falot ou encore un curé ridicule, aucun n'est aimable, aucun ne trouve grâce à nos yeux. Aucun ne semble vraiment honnête, ni envers les autres, ni envers eux-mêmes, ces êtres jouent sans cesse sur des faux-semblants. Cette peinture de l'Humain est dure, cruelle mais sonne tellement juste !

Le propos puissant est servi par une écriture superbe. Rien ne semble laissé au hasard, l'écriture est très recherchée, très travaillée. Pourtant, malgré un côté assez austère, les mots coulent, tout est fluide. Même les descriptions très, très précises ne sont jamais ennuyeuses, jamais superflues. Ces passages dépeignant une tenue ou un objet dans ses moindres détails servent à affiner encore la peinture de la société et les portraits des femmes et hommes qui la composent.

Je suis vraiment ravie d'avoir découvert cette oeuvre sur le tard. Plus jeune, je n'aurais pas su l'apprécier à sa juste valeur. Décidément, avoir des lacunes et les combler à l'âge adulte a du bon !

Challenge Multi-défis 2016 - 47 (un livre listé dans le top 100 des "livres les plus populaires de tous les temps" sur Babelio)
Challenge XIXème siècle 2016 - 15
Challenge ABC 2016-2017 - 5/26

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