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Critique de AMR_La_Pirate


Voyage en Égypte est un récit de voyage sous forme de journal écrit par Gustave Flaubert en 1851 et publié à titre posthume, mais de manière incomplète, pour la première fois en 1881.Le manuscrit, égaré depuis 1930, a été retrouvé dans les années 1980 et publié en 1991 en version intégrale.
Ce journal relate une partie du voyage effectué en Orient, d'Alexandrie en Nubie, par l'auteur en compagnie de son ami, l'écrivain et photographe Maxime du Camps dans les années 1849-50. Je découvre ce livre en version audio, lue par Daniel Mesguich. Ce dernier s'est manifestement bien approprié le texte qu'il sert avec brio.

Dans ce journal de voyage, nous découvrons une écriture antérieure à Madame Bovary, à Salammbô et à L'Éducation sentimentale, oeuvres beaucoup plus connues de Flaubert, mais son style est déjà reconnaissable et remarquable par sa grande qualité… Une forme de lyrisme romantique imprègne les descriptions des paysages, de la luminosité, des couchers et levers de soleil tandis que réalisme et souci du détail prédominent notamment dans les scènes érotiques et les portraits. Il ne faut pas oublier que Maxime du Camps a beaucoup photographié durant ce voyage ; parfois, le regard de Flaubert se focalise de manière photographique également…, comme si son ami l'avait influencé.
Flaubert était de santé fragile ; nous le découvrons dépassant ses limites, souffrant de la chaleur, de la pluie, s'essoufflant, toussant… mais ne se ménageant pas de la traversée en bateau à la croisière sur le Nil, à pied, à cheval, rampant même pour certaines visites, dormant sous la tente dans le désert, vivant à la dure…

Le texte revêt une couleur anthropologique, géographique, historique et sociale digne du plus grand intérêt..
Pour apprécier aujourd'hui un tel récit, il faut nécessairement se replacer dans les mentalités du XIXème siècle. le ton de Flaubert est paternaliste, colonialiste, supérieur… Mais il écrit en 1851 ; l'esclavage, dénoncé en 1794 dans l'allégresse de la Révolution, avait bien vite été rétabli par Napoléon en 1802… le nouveau décret d'abolition de 1848 avait été considérablement assoupli pour les colonies françaises… Ces quelques dates replacent en perspective le regard de l'auteur sur ce que nous appellerions aujourd'hui du tourisme sexuel…
Si Flaubert nous livre ici de magnifiques portraits de femmes, son regard et sa plume se font gourmands, concupiscents et s'attachent à des détails physiques toujours auréolés de sensualité : son voyage est emmaillé de parties de chasse, de visites de sites archéologiques et de rencontres charnelles… rencontres tarifées, proposées, provoquées, demandées… Même les très jeunes filles, tout juste pubères sont décrites de manière sensuelle et suggestive. Les descriptions de ses ébats sont transcrites sans pudeur, sans retenue, avec un souci du détail, de la posture, du grain de peau, des odeurs, etc…
De même, les voyageurs ne s'étonnent pas des bastonnades, châtiment longuement décrit selon le but recherché : la punition ou la mort…

Ce journal de voyage est une belle découverte, mais une incursion dans l'intimité d'un homme en quête de lui-même, qui n'est pas encore devenu le grand écrivain que nous connaissons.
Flaubert a 28 ans quand il quitte sa propriété de Croisset où il s'est retiré à cause de sa maladie nerveuse pour se consacrer à l'écriture. Ce voyage d'un an et demi représente pour lui une expérience décisive, à une époque où l'orientalisme est à la mode, mais à un moment où il est également en pleine dépression ; il écrit ses carnets de route sans penser qu'ils seront publiés un jour. Dans cette version intégrale, toutes ses aventures nous sont données à lire ou à entendre, même les plus intimes. Le lecteur curieux devient voyeur, intrusif… Qu'aurait pensé Flaubert de cette mise à nu publique ?
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