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Critique de Erik35


LE POIDS DES MOTS, LE CHOC DES IMAGES...

Trois destinées entrecroisées : celle de "Jacquot" Zeitoun, jeune appelé du contingent originaire de Bab-el-Oued, confronté un soir d'affrontement sporadique avec le FLN à la violence morbide de la guerre, obligé de tuer un de ces arabes dont il comprend pourtant la lutte et l'engagement, et afin de sauver l'un de ses camarades de régiment en bien fâcheuse posture ; celle de Thomas, lui aussi pied-noir et apprenti photographe rêvant de se faire embaucher par le quotidien pour lequel il fait des piges, dont l'envie d'en découdre, de participer à l'histoire en marche le fait pencher du côté de cette fameuse Organisation Armée Secrète ; celle de Malika, enfin, belle et fière jeune femme qui a toutes raisons de détester les français, l'un d'eux, médecin, ayant laissé mourir sa mère qui accouchait d'elle parce que c'était la nuit et que c'était des bougnoules, alors, son coeur penche à la fois pour le Front de Libération Nationale que pour le bel Ali, petit chef activiste de cette organisation.

Bien entendu, ces trois existences que tout sépare a priori - sauf, par la bande, celle de Mélika et de Thomas, leurs pères se connaissant depuis qu'ils ont fait la guerre contre les allemands - vont se trouver mêlées, entremêlées, liées indissolublement par les bons soins du scénariste et réalisateur Frank Chiche, aidé dans son propos par le fameux putsch des généraux Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller du 21 Avril 1961 ainsi que par le maelström environnant de ces noirs événements.

On aurait envie de croire à cette histoire, à ces destins brisés de femmes et d'hommes emportés plus ou moins malgré eux dans le grand tourbillon d'une histoire moderne parmi les plus sombres et honteuses de notre pays.
On comprend aussi comme la violence, celle des individus entre eux, est en quelque sorte une réponse désespérée, la seule qui parait sur l'instant possible, à la violence des Etats ou à celle de corps constitués (armée, organisations politiques, etc).
On saisit tous les impossibles, les murailles infranchissables, à être dans un camp et à pouvoir entendre un seul instant les arguments de celui d'en face.
Pour autant, la trame générale de cet album, tiré d'un film d'animation co-produit par Arte, ne fonctionne pas, ou très mal. Tout y semble forcé, fabriqué, mal amené. On peine à éprouver la moindre empathie pour aucun des personnages présentés ici, même pour ce jeune Jacquot, le seul sans doute à vouloir défendre un point de vue tolérant, équilibré, réfléchi - malgré ce que la pression du moment l'oblige à accomplir - qui aura, instant terrible, la mauvaise fortune d'être présent au mauvais endroit, au mauvais moment.

Et puis... Il y a ce dessin... Ces planches sont en réalité issues d'un film d'animation, composé d'une image composite associant des prises de vues réelles tournées sur fond vert puis traitées graphiquement, avant d'être intégrées dans des décors de synthèse (3D) peints ou à plat (2D), auxquelles s'ajoutent des effets spéciaux. le résultat est, pour le moins, spécial. Esthétiquement, il donne naissance à l'accouplement étrange d'un de ces romans photo, kitsch et mal boutiqué, tout droit sorti des années 80 et la série britannique les Thunderbirds, réalisée à partir de marionnettes.
Sans doute le film - interactif - produit en 2013 atteignait-il son but. En revanche, tout semble ici empesé, forcé, peu crédible (alors que les situations évoquées le sont bien certainement), les expressions des comédiens sont à la fois figées et d'un expressionnisme tellement outrancier qu'il en devient pénible presque dès les premières pages et le rendu global est aussi déroutant que pénible à regarder.

Techniquement, c'était à n'en point douter un tour de force. Malheureusement le résultat n'est vraiment pas des plus convainquant et si l'on poursuit la lecture jusqu'à la dernière page, c'est en bonne part en raison de la brièveté de l'ouvrage et parce que... Il faisait partie de la hotte du Père Noël ! Mais les présents se suivent et, souvent, ne se ressemblent pas. Hélas.
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