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Critique de oblo


Les femmes donnent la vie et les hommes sèment la mort, dit un personnage dans la bande-dessinée. Ainsi pourrait-on résumer cet album dans lequel une jeune sculptrice de cire s'obstine à garder en vie - si ce ne sont les corps des morts, du moins le souvenir qu'ils furent des êtres de chair et de sang - ceux que les hommes ont voulu détruire. Terreur, c'est donc l'histoire de Marie Grosholtz, que la renommée a retenu sous son nom d'épouse : Madame Tussaud. Si le musée est aujourd'hui bien mieux connu que celle qui le fonda, la bande-dessinée de Follet et Duchâteau tâche de reconstituer la genèse de cette intéressante histoire de cire.

Il est à noter que le titre correspond davantage à la première partie de l'album, qui se déroule en France durant la Révolution. de façon générale, l'oeuvre concerne les 10-15 premières années de la vie professionnelle de Marie Grossholtz. On pourra cependant objecter que c'est bien la Terreur qui fait la fortune de Marie Grossholtz, épouse Tussaud. Car cette Terreur, Madame Tussaud la transforme en chambre des horreurs, clé du succès du musée londonien où étaient présentés les victimes de la Terreur ainsi que les instruments de leurs martyrs.

L'histoire commence donc avec les guillotinés des années 1793-1794. Marie réalise pour le cabinet Curtius des masques de cire, qu'elle expose. Ce cabinet de curiosité attire les Parisiens curieux. le récit prend ensuite un tour romanesque avec l'histoire du diamant bleu, seul manquant dans la collection des bijoux royaux. Avec le diamant bleu, Follet tient une sorte de fil rouge qu'il déroule presque jusqu'au bout de l'album. Mais ce fil qui semble mal maîtrisé, décousu même, car le récit connait des rebondissements dont on ne comprend pas toujours les raisons.

Ainsi le récit semble parfois prendre des directions inattendues et, sur le coup, difficiles à suivre pour le lecteur. Cela est surtout vrai pour l'histoire du diamant bleu, que nombre d'hommes (Vitray, Philipstahl, Desmarets ...) soupçonnent Marie de posséder. Ce fil rouge paraît presque se casser à certains moments, tant les situations semblent arriver comme par erreur dans la narration. Si le récit préserve tout de même une cohérence d'ensemble , cela perturbe néanmoins un peu la lecture.

La première partie montre bien le climat de suspicion qui règne sous la Terreur : la dénonciation et l'arbitraire semblent régner en maîtres, portés par des personnages comme Jabot, qui poursuivra Marie de ses vilenies. Quant à la deuxième partie de l'album, elle se concentre sur l'épopée britannique de Marie, devenue Madame Tussaud. Avec son fils Joseph, elle parcourt les routes de Grande-Bretagne, exposant, quand elle le peut, ses mannequins de cire, espérant un jour ouvrir son propre musée.

Marie Grossholtz est bien évidemment le personnage - et avant d'être personnage, elle fut une personne réelle - fort de cet album. C'est une femme, seule de surcroît (on lui connaît des amours, comme Jean Franchemin mais elle refuse tout protecteur), mère de famille et qui, à force de travail et d'abnégation, parvient à ouvrir, à plus de 70 ans, son propre musée à Londres. Ce personnage est tellement marquant qu'il éclipse tous les autres. Elle est aussi le seul personnage aussi - à l'exception de Joseph, son fils, et Domenico, son aide, mais trop secondaires pour peser vraiment - à garder une certaine pureté durant toute l'histoire. Les autres personnages, masculins, inspirent tous, à un moment ou à un autre, la méfiance, voire même le rejet le plus total. L'ignoble - physiquement et psychologiquement - Jabot constitue, quant à lui, l'exact contraire de Marie, sorte de personnification de l'abjection.

Le dessin, lui, est remarquable. Tout en délicatesse, il ne refuse pourtant pas la crudité des scènes (décapitation, pendaisons ...). On verra aussi une belle reconstitution du Paris révolutionnaire, des costumes d'époque ainsi que de magnifiques (mais rares !) scènes maritimes pour un résultat visuel d'une très grande qualité.

Dessin superbe, prétexte historique intéressant mais scénario traité peut-être trop abruptement (tout en gardant sa cohérence), Terreur possède donc de nombreux atouts qui permettent au lecteur de passer outre les difficultés passagères.
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